Voix off
Ils font masse autour d’Abdülhamit Bilici, le directeur de la rédaction de Zaman, qui se rend au travail ce matin malgré tout. Depuis la nuit dernière, le journal qu’il dirige, le plus gros tirage de Turquie, est sous tutelle. Ses équipes ont réussi à imprimer une édition réduite du quotidien juste avant que la décision ne devienne effective. La Une de Zaman clame ce samedi « La Constitution est suspendue », comprenez « Les droits fondamentaux ne sont plus respectés dans la Turquie de Recep Tayyip Erdogan. »
Mustafa Calisan, lecteur de Zaman
Personne ailleurs ne pourrait imposer une décision aussi cruelle. Où dans le monde avez-vous vu une telle tyrannie à l’œuvre ?
Ahmet Aldir, lecteur de Zaman
Nous sommes tous des êtres humains et chacun d’entre nous compte. Les opinions divergentes doivent pouvoir s’exprimer dans la société.
Voix off
Les autorités turques ne l’entendent visiblement pas ainsi. En début d'après-midi, la police arrose une nouvelle fois la foule de gaz lacrymogène pour la forcer à quitter les lieux. Des scènes de violence qui rappellent celles de la veille lorsque peu avant minuit les forces de l’ordre ont investi le siège de Zaman. Des administrateurs désignés par les autorités ont depuis pris leurs fonctions à la tête du groupe de presse. C’est un tribunal d’Istanbul qui l’a ordonné sans en préciser les raisons, mais elles font peu de doute tant l’hostilité entre le journal et le pouvoir est vive. Les atteintes à la liberté de la presse se multiplient en Turquie. Fin mars, ces deux journalistes d’un autre quotidien d’opposition seront jugés pour avoir fait état de livraison d’armes d’Ankara à des rebelles islamistes en Syrie. Ils risquent la prison à vie.