Sophie Heine, chercheure et politologue

Disponible jusqu'au 26/06/2025 - 23:59Disponible jusqu'au 26/06/2025
Les inégalités hommes-femmes sont-elles à égalité dans la vie professionnelle ?
S’exprimer avec assurance et confiance en soi sur le thème des inégalités de genre.
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    Sophie Heine est politogue, "senior research fellow" à l'institut Egmont, chercheure à l'Université d'Oxford et de Bruxelles. Elle vient de publier "Genre ou liberté", un ouvrage dans lequel elle démonte les stéréotypes qui justifient la domination des hommes sur les femmes. Mais que fait l'Europe ?
    Production
    TV5MONDE
    Chaîne d'origine
    TV5MONDE
    - Modifié le
    10/08/2021
    Paul Germain
    Sophie Heine, bonjour. Vous êtes politologue, spécialiste des questions européennes. Attachée à l'institut Egmond, un centre d'études en Belgique, Vous êtes aussi chercheure à l'Université de Bruxelles et à Oxford et vous venez de publier « Genre ou liberté », un essai sur les stéréotypes qui courent sur les femmes. Alors au Bar de l'Europe, je vous ai servi une bière, une Jupiler, parce que le slogan de la marque c'est : « les hommes savent pourquoi ». Est-ce que c'est le genre de stéréotype qui nous conforte dans l'idée que l'homme est davantage capable qu'une femme d'apprécier les qualités d'une bonne bière ?
     
    Sophie Heine, chercheure et politologue
    Oui ! Enfin, c'est un peu ironique mais au-delà du coté anodin, enfin anecdotique c'est vrai que ça montre en fait les stéréotypes qu'on a sur le masculin donc l'idée que l'homme sait boire, que l'homme est capable non seulement de sortir mais aussi de bien boire, alors qu'une femme qui boit c'est pas... une femme qui boit vraiment c'est pas perçu tout à fait de la même façon. Mais les stéréotypes que j'aborde dans cet ouvrage sont quand même peut-être un peu plus importants on va dire que ceux qui concernent la boisson. Si je peux dire très brièvement, il y a quatre, cinq grands stéréotypes que j'aborde. C'est euh... celui sur l'empathie, l'empathie féminine. Sur la maternité. Sur l'apparence et les critères esthétiques dominants. Sur la douceur, sur l'esprit de collaboration et de compétition des femmes, sur la sexualité également.
     
    Paul Germain
    ET...
     
    Sophie Heine
    Et donc j'essaye de montrer comment les stéréotypes dans ce domaine, les stéréotypes sur le féminin contribuent en fait à légitimer certaines infériorités sociales, certaines injustices qui affectent les femmes.
     
    Paul Germain
    Oui, votre livre ne sert pas à détailler euh... les injustices entre les hommes et les femmes, les inégalités, il sert plutôt à montrer que ces stéréotypes permettent de justifier la domination des hommes sur les femmes.
     
    Sophie Heine
    Exactement, parce qu'en fait, une grande partie de la littérature sur le sujet passe beaucoup de temps à analyser la condition objective des femmes, au niveau socio-économique, au niveau politique, et c'est très important de montrer qu'il y a encore beaucoup d'inégalités dans ce domaine là. Les discriminations etc... Mais moi j'ai décidé de me concentrer sur la dimension subjective, beaucoup plus idéelle. Parce qu'à partir du moment où... ça fait des années qu'on a montré ces inégalités et qu'on ne les a toujours pas résolues, puisque en effet voilà, les femmes sont toujours moins payées euh... continuent à être davantage victimes de violence de toute sorte, n'arrivent pas aux mêmes positions de pouvoir etc... que les hommes, enfin on peut aller très très loin dans l'énumération. La question, c'est pourquoi ? Pourquoi est-ce que les femmes n'arrivent pas euh... Pourquoi est-ce que on n'arrive pas à cette égalité entre les sexes qui est proclamée haut et fort...
     
    Paul Germain
    Et donc vous dites il faut déconstruire les stéréotypes, les clichés, mais les femmes parfois sont les premières à véhiculer ces stéréotypes.
     
    Sophie Heine
    Exactement ! Exactement ! C'est ce que j'essaie de montrer dans ce livre. ça a été fait aussi par d'autres féministes. En fait, l'idée même de stéréotypes suppose une intégration de ces préjugés, de ces idées reçues, par les personnes... par tout le monde en fait ! Y compris par les victimes de ces stéréotypes.
     
    Paul Germain
    Prenons un exemple le mythe de la beauté. Les femmes elles-mêmes sont les premières à estimer que la beauté ça va les aider à réussir.
     
    Sophie Heine
    Ça va les aider à réussir ou... même peut-être sans aller aussi loin. La plupart des femmes - et là toutes les études le montrent - déjà très jeunes - et ça ne change pas malheureusement avec les jeunes générations - considèrent que c'est plus important d'être belle qu'être intelligente. Donc il y a une étude fameuse en Angleterre, qui a montré ça, il y a d'autres études en France qui ont montré la même chose et ça évidemment c'est très problématique. Si on compare avec les stéréotypes sur le masculin, qu'est-ce qui fait qu'un homme réussi dans la société ? C'est beaucoup moins le paraître, beaucoup moins la séduction et beaucoup plus l'action, la réalisation et puis bon, tout un tas d'autres choses que j'explique un petit peu dans le livre parce que j'essaie en fait de contraster ces stéréotypes sur le féminin - même si je passe moins de temps avec les stéréotypes sur le masculin - mais j'essaie de contraster ces deux visions du masculin et du féminin.
     
    Paul Germain
    Mais alors, jusqu'où faut-il déconstruire les clichés, les stéréotypes ? Vous savez qu'il y a une grande polémique en France, notamment alimentée par un certain Éric Zemmour, qui dit que à l'école, on essaie tellement de supprimer les différences entre les petits garçons et les petites filles, que finalement ces enfants vont avoir des problèmes d'identité sexuelle...
     
    Sophie Heine
    Oui... Alors moi...
     
    Paul Germain
    J’ utilise les mots de Zemmour d'une manière très soft...
     
    Sophie Heine
    Oui. Je comprends qu'on en parle parce qu'on en a beaucoup parlé, il a beaucoup fait parler de lui - même si je trouve qu'on lui donne peut-être un peu trop de publicité. Moi contrairement à des gens comme Eric Zemmour, je trouve qu'il ne faut pas diaboliser l'adversaire. Je pense que le camp on va dire dont Eric Zemmour se réclame tend à diaboliser son adversaire et à caricaturer ce qui a voulu être fait dans les écoles. Et à focaliser le débat sur la question de la différence.
               
    Paul Germain
    Hum hum.
     
    Sophie Heine
    Alors que comme je le disais, il faut plutôt déplacer la focale et se centrer sur la question des injustices, des inégalités, et peut-être même penser à des altervatives en termes de différences. Mais de différentialisme alors émancipateur.
     
    Paul Germain
    On va regarder une petite vidéo. Elle a été lancée par une entreprise américaine, qui fabrique des T-shirts. Donc une vidéo, un clip commercial, mais il y a quand même un message. On regarde !
    Vous aimeriez que votre fille parle comme ça ? Ha, ha, ha !
     
    Sophie Heine
    Ça ne me dérangerait pas ! Moi, j’ai bien aimé cette vidéo ! Je sais qu’elle a été fort critiquée, bon parce qu’il y a une petite utilisation commerciale – même si c’est toutà fait normal que ce genre d’association essaye de récolter des fonds – et aussi parce qu’on utilise des petites filles qui disent ce genre... Moi, je trouve que c’est une vidéo très intéressante parce qu’elle joue en fait avec les clichés dominants : le rose, les tenues de princesse, pour dénoncer tout un tas de situations. Malheureusement, je pense que les très jeunes générations, donc la génération de ces petites filles-là, ne sont pas suffisamment conscientes ni des inégalités ni des clichés et des stéréotypes qui permettent de les justifier. Et donc, je pense, un peu dans la lignée de cette vidéo, qu’il faut, pour arriver à parler aux petites filles, eux jeunes filles et aux femmes d’aujourd’hui, il faut aussi utiliser ce qu’elles ont dans la tête et donc il ne faut pas être dans ce clivage comme je le disais du tout construit ou tout inné mais plutôt partir de la différence – qu’elle soit en partie construite et en partie innée – pour arriver à construire un discours qui soit favorable à la liberté et pas seulement des femmes d’ailleurs parce que ces clichés sur le genre, ces clichés de genre, affectent aussi les hommes. Les clichés sur le masculin peuvent être extrêmement enfermants.
     
    Paul Germain
    On est au Parlement européen, qu’est-ce que l’Europe devrait faire pour combattre ces clichés, ces stéréotypes ? Quelles sont les lois à prendre ?
     
    Sophie Heine
    Bein, il faut dire que le niveau supranational en général et le niveau européen, les institutions européennes font déjà beaucoup donc on peut dire qu’il y a un certain avant-gardisme dans la lutte contre les inégalités entre les sexes au niveau européen. Malheureusement, l’action est avant tout législative et comme je le disais, c’est un problème de mentalité, les personnes et les législateurs aussi - directs ou indirects - sont aussi influencés par ces idées reçues et donc je crois qu’il faut agir à tous les niveaux. Moi, j’essaye d’agir à mon niveau à moi, en tant qu’intellectuelle, avoir un impact sur les idées parce que in fine ce sont les femmes elles-mêmes qui doivent s’engager pour que leurs droits soient réellement appliqués et pour mettre fin aux injustices qu’elles continuent à subir.
     
    Paul Germain
    Sophie Heine, prenez une petit boule surprise avec une question surprise ! Vous la lisez à haute voix et sans crainte !
     
    Sophie Heine
    Hum... Alors : « quelle est la femme que vous admirez le plus : Brigitte Bardot, Simone Veil ou Conchita Wurtz » ? Et bien, j’avoue que j’hésite en fait entre la première et la dernière. Donc, j’ai beaucoup d’admiration pour Brigitte Bardot et...
     
    Paul Germain
    Conchita Wurtz, c’est la femme à barbe qui chante, hein ?
     
    Sophie Heine
    Oui et qui, je pense, est très courageuse parce que c’est très difficile d’assumer... voilà... une telle différence – même si bon, elle est assez minoritaire – et Brigitte Bardot, je pense que c’est une femme qui est assez courageuse puisqu’elle a aussi été enfermée dans son apparence en fait. Elle a eu beaucoup de mal à se faire reconnaître comme autre chose qu’une pin-up et une jolie femme avec certes un talent d’actrice mais aussi d’autres choses, donc voilà, je suis partagée entre les deux.
     
    Paul Germain
    Sophie Heine, merci d’être venue au bar de l’Europe et on va voir si vous êtes capable de goûter une bonne bière !
     
    Sophie Heine
    Merci !

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