Générique
Il sera question d’histoire. Françaises, Français… I have a dream. Je suis contre la peine de mort.
Voix off
Le 26 novembre 1974, Simone Veil se présente à la tribune de l’Assemblée nationale. La ministre de la Santé s’apprête à défendre l’un des projets de loi les plus controversés de la Ve République : la légalisation de l’avortement.
Simone Veil, ministre de la Santé
Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme. Je m’excuse de le faire devant cette assemblée presque exclusivement composée d’hommes. Aucune femme ne recourt de gaîté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame.
Voix off
En 1967, la loi Neuwirth autorise la contraception en France. Symbole de libération des femmes, la pilule permet de maîtriser enfin sa fécondité. Mais la loi tarde à être appliquée et la pilule demeure difficile d’accès, notamment pour les mineures.
Première femme interviewée
La pilule d’un côté, il parait que c’est pas tellement bon.
Deuxième femme interviewée
Pas confiance, quoi.
Troisième femme interviewée
Moi je dis que c’est l’homme qui doit faire attention, et puis c’est tout.
Voix off
L’interruption volontaire de grossesse est quant à elle toujours illégale et passible de prison. Alors, chaque année, de nombreuses femmes bravent l’interdit et se tournent vers l’avortement clandestin, parfois au péril de leur vie. En 1970, bien décidées à faire évoluer les mentalités et à disposer de leurs corps, les Françaises descendent dans la rue et se rassemblent au sein du Mouvement de libération des femmes. Au cœur de leurs revendications : la libéralisation de la pilule et l’avortement, libre et gratuit. Un enfant si je veux, quand je veux ! La révolution sexuelle est en marche. Mais l’opinion reste très divisée. Le 5 avril 1971, Le Nouvel Observateur jette un pavé dans la mare avec le Manifeste des 343, dans lequel des Françaises, célèbres et anonymes, défient les pouvoirs publics et déclarent s’être fait avorter. Un an plus tard, le débat prend de l’ampleur lorsqu’à Bobigny, une jeune femme de 16 ans est jugée pour avoir avorté à la suite d’un viol. Défendue par l’avocate Gisèle Halimi, le procès connaît un immense retentissement médiatique et la jeune femme est relaxée.
Gisèle Halimi, avocate
Le procès lui-même a marqué un pas irréversible.
Voix off
Il faudra encore attendre deux ans pour que Simone Veil, encore inconnue des Français, ne fasse entrer le débat à l’Assemblée. Née en 1927 à Nice, Simone Jacob grandit dans une famille juive bourgeoise. Mais l’insouciance est de courte durée. La Seconde Guerre mondiale éclate et dans toute la France, les juifs sont bientôt traqués et persécutés. Au printemps 1944, la vie de Simone bascule : comme toute sa famille, elle est arrêtée et déportée. À 16 ans, elle découvre l’horreur d’Auschwitz. Miraculeusement, elle échappe à la mort. Désormais, c’est en femme libre que Simone mènera sa vie, avec un besoin irrépressible de justice. Moins de six mois après son retour des camps, elle s’inscrit à la faculté de droit de Paris et à Sciences Po. Elle y rencontre Antoine, son mari et devient Simone Veil. Il préférerait qu’elle reste à la maison, mais elle devient magistrate. En 1974, Simone Veil est nommée ministre de la Santé.
Simone Veil, ministre de la Santé
Ça m’intimide beaucoup d’arriver dans un département ministériel, dans lequel effectivement beaucoup de problèmes me sont totalement étrangers.
Voix off
Avec courage et conviction, elle s’empare de la lourde tâche qui lui est assignée par le président de la République Valéry Giscard d’Estaing : légaliser l’avortement.
Simone Veil, ministre de la Santé
Combien sont-ils ceux qui se sont préoccupés d’aider ces femmes dans leur détresse ? combien sont-ils ceux qui, au-delà de ce qu’ils jugent comme une faute, ont su manifester aux jeunes mères célibataires la compréhension et l’appui moral dont elles avaient un si grand besoin ?
Voix off
Dans l’hémicycle, le ton monte rapidement, mais avec dignité, Simone Veil écoute ses adversaires et leurs raccourcis injurieux. On l’accuse notamment de vouloir « jeter des embryons au four crématoire ». Sans jamais hausser la voix, Simone Veil domine le débat. Dans la nuit du 29 novembre 1974, les députés adoptent la loi qui portera son nom.
Edgar Faure, président de l’Assemblée nationale
L’Assemblée nationale a adopté.
Voix off
Simone Veil a réussi.