Denise Époté
Alors, mais comment rendre plus visible et augmenter les capacités des femmes afin qu’elles soient autonomes financièrement parce que l’objectif, c’est ça, c’est ça ?
Mariam Kamara Diop
Exactement, exactement. Je pense que nous, nous jouons notre partition. Notre intention et notre mission à travers la plateforme, c’est d’abord de créer l’espace qui va être visible. On a la capacité de pouvoir attirer les décideurs, attirer les médias, attirer les institutions d’aide au développement et, bien entendu, les politiques publiques et les programmes publics, donc l’État, pour pouvoir écouter et voir concrètement les histoires de vécus, de parcours et des problèmes réels. Ce n’est pas que cela n’ait pas été fait mais on pense que la manière dont c’est fait…
Denise Époté
On peut encore faire mieux.
Mariam Kamara Diop
On peut mieux faire, exactement.
Denise Époté
Mais, quelles sont les pistes justement pour mieux les accompagner parce qu’on sait que le Sénégal est souvent cité en exemple en matière de microfinance mais on l’a vu tout à l’heure, vous veniez de le dire, ce n’est pas la panacée pour les femmes parce qu’elles ont toujours beaucoup de mal à rembourser les crédits vu les taux d’intérêt mais comment mieux les accompagner ? Quelles politiques peuvent être mises en place ?
Mariam Kamara Diop
Alors, nous avons écouté, nous avons observé, nous avons regardé un tout petit peu le secteur et nous avons été conseillées. Comme je vous l’ai dit, nous avons des experts qui nous présentent un tout petit peu les acquis mais aussi les défis. Et, bien entendu, il y a des fonds, il y a des fonds d’investissement dédiés spécifiquement aux femmes qui peuvent être mis en place, qui peuvent être spécifiquement, qui peuvent cibler, et puis qui peuvent cibler la versatilité de la femme commerçante. On ne peut pas cantonner la femme, quand on dit la femme donc «entreprendre au féminin à l’ère du numérique », on parle, on veut mettre dans la discussion, dans la problématique, le fait qu’il y a une économie numérique de grande distance et qui propose des atouts qui peuvent bénéficier aux femmes. Donc l’idée, c’est de dire certaines pistes de solution qui ont été essayées mais qui n’ont pas pu produire des résultats, c’est créer des fonds qui vont spécifiquement cibler les femmes qu’elle soit en zone rurale, qu’elle soit en zone urbaine, qu’elle soit jeune, débutante ou qu’elle soit une femme qui a déjà un parcours mais qui a besoin d’aller plus loin que là où elle est. Donc les fonds pour moi, c’est primordial. En Afrique francophone, les femmes souffrent encore plus d’accès aux financements. Alors déjà elles ont, elles ont des problèmes, des difficultés à pouvoir avoir des accès aux financements parce que certainement elles n’arrivent pas à communiquer, à vendre, à faire des stratégies de marketing, à pouvoir faire tout, tout ce qu’on fait lorsqu’on dit qu’on…
Denise Époté
Parce qu’en travaillant dans l’informel, généralement, elles ont du mal à fournir les garanties qu’exige la banque.
Mariam Kamara Diop
Exactement, il y a des, on est dans des États, des sociétés de droit, évidemment il faut se plier aux règles qui s’imposent, mais certainement…
Denise Époté
Mais, mais au fond, est-ce qu’elles veulent vraiment sortir de l’informel ? Parce que pour elles, il y a un risque.
Mariam Kamara Diop
Bien sûr…
Denise Époté
Quitter l’informel pour passer à des structures connues, enregistrées, c’est s’exposer à des taxes.
Mariam Kamara Diop
Oui mais tel que nous l’avons, encore une fois, en écoutant les femmes, celles qui sont dans le commerce depuis un moment, vous disent : « le marché change. À l’époque, j’avais pas besoin même de la banque pour faire un prêt parce que je pouvais prendre deux, trois containers je ramène ».
Denise Époté
Parce que le système parallèle qui marche aussi, celui des tontines…
Mariam Kamara Diop
Exactement, exactement.
Denise Époté
C’est une source de financement non négligeable.
Mariam Kamara Diop
Exactement. Mais aujourd’hui, elles-mêmes, elles… alors on l’a remarqué que les femmes qui sont plus âgées, priorisent la mise en réseau, le réseautage donc à travers les groupements de femmes, les tontines, et elles-mêmes elles disent « euh, on ne peut plus faire comme on faisait avant, on est obligées d’aller vers les banques parce qu’il faut, pour pouvoir vendre plus, acheter plus, on a besoin d’accompagnement parce qu’il y a…, l’économie a changé depuis les années 80 ou 90. »