Relocaliser oui, mais quoi et comment ?

Disponible jusqu'au 20/10/2027 - 23:59Disponible jusqu'au 20/10/2027

Relocaliser l’agriculture et l’industrie, attention à ne pas faire de bêtises !

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Échanger sur des relocalisations réalisables.

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    Le 12 mai 2022, dans le cadre de l’émission Objectif Monde, Dominique Laresche s’interroge avec ses invités : Nicolas Bouzou, économiste français et Saskia Bricmont, eurodéputée écologiste belge. Est-ce la fin de la mondialisation ? Va-t-on vers une relocalisation générale des entreprises et de l’agriculture ?

    Chaîne d'origine
    TV5MONDE
    - Modifié le
    20/10/2022
    Dominique Laresche, présentatrice de l’émission Objectif Monde
    On va retrouver Saskia Bricmont. Saskia, est-ce qu’il n’y a pas le danger, finalement, de replacer les questions environnementales au second plan ? Parce que, est-ce qu’il n’y a pas la tentation aujourd’hui de dire : il va falloir une agriculture plus productive, européenne - en tout cas, en Europe - plus productive, plus intensive. Est-ce que ça risque pas de venir inverser, on va dire, la politique pour plus d’environnement et un meilleur environnement ?
    Saskia Bricmont, eurodéputée écologiste belge
    Bien entendu et c’est ça qui est assez terrible, c’est cette instrumentalisation de la guerre par l’agro-industrie alimentaire, mais aussi l’industrie chimique des engrais pour pousser justement à réautoriser des engrais, des produits chimiques qui ont été interdits en Europe. C’est l’inverse qu’il faut faire puisque on en est arrivés à une situation de dépendance alimentaire, parce qu’on a eu un modèle de plus en plus tourné vers l’exportation, un modèle agroindustriel tourné vers l’exportation, c’est toute la question de cette politique agricole qui doit davantage s’orienter vers un modèle agricole qui est en fait un modèle alimentaire : comment alimenter, être souverain sur le plan alimentaire au niveau européen aussi, produire une alimentation à destination de la population. Alors oui, on parle de la productivité, mais il faut savoir que les modèles d’agroécologie sont productifs, permettraient de nourrir la population au niveau plus local, plus régional et puis se passer de pesticides et d’engrais, n’oublions pas que les engrais, ils sont aussi faits à base de pétrole…
    Dominique Laresche, présentatrice de l’émission Objectif Monde
    Mais comment on fait Saskia Bricmont…
    Saskia Bricmont, eurodéputée écologiste belge
    on ne solutionne pas la situation en augmentant l’autorisation d’engrais.
    Dominique Laresche, présentatrice de l’émission Objectif Monde
    Saskia Bricmont, comment on fait pour produire plus, parce qu’on comprend bien qu’il faut produire plus, en n’ayant pas recours aux fertilisants ?
    Saskia Bricmont, eurodéputée écologiste belge
    Je ne pense pas qu’il faille vraiment produire plus, mais, par contre, il faut repenser la manière dont on produit d’une part, repenser aussi toutes les cultures qui sont vouées à l’exportation - et les monocultures vouées à l’exportation assurer une rediversification de nos productions alimentaires et pas uniquement les orienter vers le marché d’exportation, ça c’est une chose, ensuite il y a aussi, une fois de plus dans le secteur alimentaire comme dans d’autres secteurs, un énorme gaspillage alimentaire. Si on arrêtait le gaspillage alimentaire, ça permettrait de nourrir toute la population européenne qui aujourd’hui n’a pas accès à une alimentation suffisante. Donc, on est dans un système en fait qui, à la fois, est ultra productif, orienté vers l’exportation et des monocultures d’exportation, et qui génère un gaspillage alimentaire énorme.
    Dominique Laresche, présentatrice de l’émission Objectif Monde
    Saskia Bricmont, on parle beaucoup de relocaliser certaines industries sur le continent européen, mais relocaliser cette production-là, c’est aussi peut-être produire plus de gaz à effet de serre, plus de CO2, c’est peut-être finalement produire plus de pollution. C’est un sujet qui fait débat ? est-ce qu’il faut placer le curseur ?
    Saskia Bricmont, eurodéputée écologiste belge
    Bien entendu, il y a certainement un curseur à placer, l’Union européenne a un énorme…, une énorme tâche devant elle. Je pense qu’il y a plusieurs choses à mettre en place notamment faire en sorte que les entreprises, les industries réalisent des stress tests, des stress tests de résilience et voir ce qui peut, dans cette production, être relocalisé. L’industrie automobile a été citée en exemple : elle est dépendante à 80 % d’importations, il faudrait revenir à un seuil beaucoup plus bas, certaines études montrent que ce seuil devrait être situé à 25 % pour faire en sorte d’anticiper davantage. D’autre part, l’Union européenne a aussi une énorme tâche de revoir ses flux commerciaux parce que certaines productions ont intérêt à être produites en Europe notamment en matière d’émissions de CO2 tandis que d’autres continueront à être plus intéressantes à être produites dans d’autres pays et à être importées en Europe sur le plan, je parle exclusivement ici, des émissions de CO2. Cette approche stratégique, elle n’existe pas aujourd’hui et j’espère qu’une des leçons à retenir de ces crises qui s’enchaînent sera notamment celle-là.
    Dominique Laresche, présentatrice de l’émission Objectif Monde
    Merci Saskia Bricmont d’avoir été en duplex pour nous depuis Bruxelles.
    Saskia Bricmont, eurodéputée écologiste belge
    Merci.
    Dominique Laresche, présentatrice de l’émission Objectif Monde
    Merci à vous. Une question, Nicolas Bouzou, comment on fait justement coïncider la nécessité de polluer moins, les engagements environnementaux et aussi, on comprend, la nécessité de relocaliser une partie des industries et de la production ?
    Nicolas Bouzou, économiste français, auteur de : Pour un libéralisme populaire
    Non, mais je crois qu’il ne faut pas tout relocaliser. J’ai évoqué tout à l’heure la question de l’autonomie. Mais être autonome, ça ne veut pas dire tout produire sur le sol européen. Ça n’aurait absolument pas de sens. Il y a beaucoup de choses que l’Union européenne n’a absolument pas vocation à produire. Et on peut être parfaitement autonome en diversifiant nos approvisionnements et non pas en produisant tout. Donc, il faut qu’on produise ce qui est intéressant pour nous, ce qui génère beaucoup de valeur ajoutée, des bons emplois, des bons salaires. Ça, c’est la première chose. La deuxième chose, pour répondre très précisément à votre question, c’est que la relocalisation n’est pas forcément bonne pour l’écologie. Je vais être extrêmement concret. Prenons l’exemple des produits agricoles. Je vais prendre un exemple précis. Du point de vue écologique, il vaut mieux manger des avocats qui sont importés du Pérou plutôt que manger des steaks qui sont faits à partir de bœufs d’élevage de l’Union européenne parce que l’empreinte carbone d’un bœuf, elle est absolument sans commune mesure avec celle d’un avocat même si vous prenez en compte les émissions de CO2 liées aux transports du bout du monde. Donc, voyez, il faut quand même regarder les choses très attentivement, cette question de relocalisation, ça peut être…, il faut des relocalisations dans certains secteurs, dans la santé par exemple, un petit peu dans l’agroalimentaire, mais il faut faire attention parce que si on est dogmatique et si on dit on va tout relocaliser, on va faire de grosses bêtises du point de vue économique et on va faire aussi de grosses bêtises du point de vue écologique.