Jean-Pierre Verney
Un engagé de force : un officier arrive dans un village, il va voir le chef du village et le chef du village dit : « c’est lui, c’est lui, c’est lui » et il se sépare de tous ceux qui peuvent lui faire de l’ombre et des familles qui lui plaisent pas. Par c ontre, celui qui prend la place d’un autre, c’est pas un engagé de force, c’est tout à son honneur d’avoir pris la place de quelqu’un d’autre, on l’a pas forcé alors que pour beaucoup, ils ont été forcés. En contrepartie, ils espéraient tous avoir des droi ts après guerre, des droits similaires aux Français, enfin aux Français de souche. Tout le monde sait bien que ça a pas été le cas, c’est pas une déception, ça a pas été le cas. Dès l’entrée en guerre, l’Angleterre comme la France vont faire appel à leurs colonies alors avec des hommes mais il y avait eu déjà avant guerre une volonté en France, aux initiatives du colonel Mangin d’une armée noire hein, d’une armée africaine. Lyautey qui est résident au Maroc nous envoie des troupes - des tirailleurs mais no n pas marocains dits indigènes parce que le Maroc n’est pas en guerre contre l’Allemagne – dès août 14, et ces hommes vont tomber le 5 septembre 1914 devant Maux à la bataille de la Marne. Plus de 800 tombent devant Maux en 2 heures. Les Indiens venant des Indes arrivent en France en septembre 1914 et là, personne n’en parle. L’Angleterre va mobiliser un million d’Indiens et ils vont avoir 70 000 morts alors que les troupes dites d’Afrique du Nord ou les troupes dites noires en France c’est 35 000 morts les unes et 35 000 morts les autres. Voyez, les chiffres sont à connaître en fin de compte. Donc, et la guerre s’éternisant, on va faire appel de plus en plus aux troupes noires dites sénégalaises car toutes les troupes noires seront sénégalaises hormis les Malgaches et aux troupes d’Afrique du Nord, tirailleurs algériens, tirailleurs indigènes et en plus des régiments mixtes après où on veut mélanger des hommes des colonies ou des coloniaux et des indigènes donc faire des régiments mixtes. Il y a trop de per tes, voilà. Au départ, ce sont des troupes qui vont combattre vaillamment, les troupes noires vont combattre en Isère en 1914 vaillamment avec les troupes de marine et puis les fusillés marins en Isère. Et puis, peu à peu, on va utiliser les troupes ..., on va s’apercevoir que les Noirs ont du mal à tenir la tranchée, ils démoralisent dans les tranchées, il y a une mélancolie qui s’installe très vite. Donc par principe, on va les utiliser pour les assauts, pour les grandes attaques. Donc ils sont dans des ca mps à l’arrière, à Fréjus, de l’autre côté de la Loire en général, vers le Sud, au moment des assauts, on les monte, ils attaquent et au bout de 2 ou 3 jours, ils retourneront à l’arrière. Et en plus, on fera tout pour éviter qu’ils aient des rapports avec les populations civiles. Bon, il y a une raison simple hein : s’il y a une relation entre une femme blanche et un homme noir, l’enfant...c’est visible et il faut éviter ce genre de troubles pour tous les soldats qui sont dans les tranchées. Voilà. Donc, ces hommes retournent dans des camps et ils sont un peu...presque prisonniers de ce système, voilà. Alors, on a dit à un moment qu’on utilisait le sang des Noirs pour protéger le sang des Blancs. Je crois qu’on ne peut pas...euh...c’est pas vrai. Simplement quand même euh, si on regarde les chiffres, en gros, les troupes blanches vont avoir 18% de pertes, 18,5 et les troupes noires vont avoir environ 17 % de pertes. Mais les Blancs tiennent la tranchée du 1er janvier au 31 décembre alors que les Noirs la tiennent pas, la tranchée. Donc ils ont eu beaucoup de pertes pendant les assauts et ils ont eu beaucoup de pertes en très peu de temps en fin de compte.
Abdoulaye N’Diaye
Nous n’avons rien reçu de la France. À part certains, mais un peu seulement. Pour la majorité cependant, rien. Ainsi, de retour de la guerre, au lieu de bénéficier de la somme importante promise, nous nous sommes remis au travail pour pouvoir fonder un foyer. Aller chaque jour aux champs. Trouver du mil ou de l’arachide pour pouvoir nourrir femme et enfants. J’attendais du Blanc qu’il me donne de quoi manger et de quoi acheter mon thé. Cela aurait été une grande récompense.
Un journaliste
Et que pensez-vous de la médaille que vous allez recevoir ?
Abdoulaye N’Diaye
Je la porterai, bien sûr. Mais j’aurais aimé qu’elle soit accompagnée de beaucoup d’argent. Comme ça, à ma mort, mes enfants auraient de quoi vivre.
Didier Pazery, photographe
Et tout le monde me regarde, tout le monde me regarde... moi. C’est pas facile, hein ?
Quelqu’un
C’est pas facile !
[Rires]