Paul Ooghe
Alors, le 11 novembre, c’était l’Armistice. Et l’armistice, là, pour moi, ça a été un jour de deuil. Encore une fois, nous avions appris le matin, enfin, moi j’ai appris le matin très tôt, vers cinq heures, j’étais de garde au téléphone hein, j’entends qu’on demande le colonel, et avant de passer le fil au colonel, je prends la branche latérale pour écouter hein, et j’entends : « Ordre de l’état-major général, suspendre tous les travaux d’attaque, tous les travaux de transport hein, vers onze heures, il y aura une conférence entre plénipotentiaires. » Du coup, je savais que toutes les corvées du jour étaient annulées, justement ce jour-là, je devais aller au dépôt de secteur hein, à... du côté de Saint - Omer. Il fallait que j’aille chercher des fils téléphoniques, des fusées éclairantes, etc. C’était chaque fois un paquetage d’une cinquantaine de kilos qu’il fallait ramener hein. J’étais tout heureux déjà d’apprendre que c’était annulé, je m’dis, je vais pouvoir rester à mon aise, ah oui. Mais vers onze heures, effervescence générale, partout ça s’était répandu, moi j’avais dit ça à mes copains :
« Oh, ça va être l’armistice, vous allez voir.
- Toi, tu es fou avec ton armistice.
- Vous allez voir, effectivement... »
Et à onze heures, on entend le clairon. Du fait qu’on entend le clairon : « ah l’armistice ! », tout le monde est sorti des tranchées et à ce moment-là, il y a une batterie allemande qui nous a fauché dix hommes. Exactement à onze heures, il a déchargé sa batterie, cet officier allemand et il y avait dix hommes qui étaient par terre. Alors, où était le plaisir ? Quand je vois arriver le 11 novembre, il n’est pas question de fêter l’armistice. Je fête les funérailles de mes camarades. Et je les vois... je les revois.
Journaliste
Et un jour comme aujourd’hui est un jour important pour vous ? Quand il s’agit de venir comme ça, de temps en temps à Verdun ? Quel symbole c’est pour vous ? Pourquoi vous venez ?
Abramo Pellencin
C’est pour renouveler le bonheur qu’on avait quand on revenait du front et qu’on se trouvait encore en vie ! Là, c’est pareil, il me semble revenir des attaques, j’arrive là, je suis encore vivant. Et je suis... je suis un roi. Franchement, à mon âge, je me rappelle encore très bien tout ce que j’ai passé et je suis encore là. Et bien mon vieux, c’est un bonheur !
Militaire
Repos
Voix off
Près d’un siècle après, dans chaque village, chaque ville,...
Militaire
Cessez-le-feu
Voix off
... les mêmes notes...
On entend le clairon
Voix off
Le clairon sonne le cessez-le-feu, la fin de la Grande Guerre. Il est onze heures, ce 11 novembre 1918, les armes viennent de se taire sur les champs de bataille. Comme partout en France, moment solennel ce matin au monument aux morts de Beaumont sur Lèze en Haute Garonne.
Militaire
Meras François , Bessou Jean-Marie, Balard Jean
Dame interviewée
Ça paraît loin, c’est pour ça qu’il faut continuer à leur expliquer ce qui s’est passé pour que eux aussi sachent ce qui s’est passé en France en 1914-18.
Garçon interviewé
Ça fait que 100 ans et du coup faut vraiment les honorer les morts parce que ça peut revenir à tout moment ... quand on voit ce qui se passe dans le monde.
Voix off
Cérémonies dans les communes rurales ou dans la capitale. Sous l’Arc de Triomphe, au même moment, le Président rend hommage, un bleuet1 accroché sur sa veste, le symbole des jeunes combattants morts avant d’avoir 20 ans. Comme chaque jour, depuis bientôt un siècle, la flamme du soldat inconnu est ravivée. Mais le 11 novembre est aussi devenu la cérémonie de tous les soldats morts pour la France jusqu’au dernier.
Militaire
...mort pour la France. Caporal Nicolas Vokaer2 , mort pour la France.
Voix off
7 ont perdu la vie depuis 1 an.
2e dame interviewée
C’est surtout par solidarité pour les évènements passés qu’on est venus et qu’on vient de l’étranger, même si on est français, on s’installe à Paris donc c’était important pour ma fille.
Monsieur interviewé
Il y a quand même des millions de personnes qui sont morts3 pour nous et puis, si on est là aujourd’hui, c’est en grosse partie grâce à eux donc on se doit de se rappeler de cet évènement.
Voix off
Dans la Meuse, le village de Douaumont près de Verdun n’abrite aujourd’hui plus qu’une dizaine d’habitants mais ce matin, ils étaient beaucoup plus, des dizaines de personnes en costumes d’époque. Ici aussi, un souvenir intact même si tous les poilus ont aujourd’hui disparu.
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1 Après la guerre, les bleuets en tissu étaient confectionnés par d’anciens poilus. Aujourd’hui, ce sont les travailleurs handicapés qui fabriquent la fleur française du souvenir. La vente des bleuets permet d’aider des orphelins de guerre, des soldats en opérations extérieures, des anciens combattants âgés en situation de dépendance, etc. La vente finance aussi des événements mémoriels et pédagogiques.
2 Le Caporal Nicolas Vokaer appartenait au 8e Régiment de parachutistes d’infanterie de marine, il est mort en opération en Centrafrique en 2013.
3 mortes.