Voix off
Pincer son français. Nous sommes en Belgique où on évite justement de pincer son français pour ne pas passer pour un snob. Cette locution sert à décrire la façon de parler qu’ont les Parisiens et par extension les mondains, les pédants et les vaniteux. Avec une patate chaude dans la bouche, on fait mine de rien : l’accent est précieux, prout-prout. Et puis il y a le mépris qui va avec : les lèvres sont pincées pour faire la fine bouche. N’oublions pas que la bouche est un orifice qu’on évitera d’ouvrir en grand lorsqu’on est bien né : on rira tout bas, on baillera sous une main délicate et on mâchera la bouche close. Fins et pointus ! Mais surtout désagréables, arrogants, vulgaires et pressés… Les Parisiens n’ont pas bonne réputation. Quand ils arrivent en Corse, on les appelle « pinzutu », un sobriquet emblématique de l’île de beauté pour désigner celui ou celle qui descend de la capitale ou plus largement qui vient du continent. Le mot pinzutu signifie « pointu ». Là encore, on peut y voir une allusion à cet accent venu du Nord qui laisse froid contrairement aux parlers méridionaux. Les Corses n’ont pas le monopole de cette image puisqu’en provençal, le parla pounchu, là encore « pointu », désigne un langage affecté. En Occitanie, dès la fin du XVIIIe siècle parler pointu signifie parler comme dans les régions du Nord, la langue d’oïl et l’accent parisien, mais aussi « affecter de ne pas parler comme les patoisants » pour passer incognito en ville sans trahir ses origines. Ce n’est pas tout : on retrouve le même emploi de l’adjectif pointu, cette fois de l’autre côté de l’Atlantique, au Québec. Là aussi, pointu caractérise l’accent de ceux qui se prennent un peu trop au sérieux, à la parisienne. Décidément, « Parigot, tête de veau » ! On emploie cependant une autre expression rigolote pour se moquer de ces habitudes pincées et pointues : parler en cul de poule, voire parler en trou de cul de poule. Faut pas s’étonner, à force de vouloir faire le coq…