Voix off
Animer un cours de français avec les grands groupes. Salifou est professeur de français au centre de formation des enseignants Mater Dei Mbuga de Nyamagabe, au Rwanda. Sa classe se compose de 62 jeunes adultes de niveau A1 et A2 qui se destinent à l'enseignement. Pendant le cours, Salifou utilise un épisode de la série humoristique Parents mode d'emploi, version gabonaise. Comment Salifou s'y prend-il pour animer un cours de français à partir d'une vidéo avec tant de participantes et de participants ? Quelle technique privilégie-t-il pour faire participer le maximum d'élèves et créer une ambiance stimulante ?
Salifou
Bonjour la classe !
Élèves
Bonjour Monsieur Coulibaly.
Salifou
Comment ça va ?
Élèves
Ça va très bien, et vous ?
Salifou
Oui, ça va, ça va. Ça va très bien. Je suis très content de vous voir aujourd'hui encore. Pour commencer, je vais vous mettre une image. D'abord, j'allume ici. Il n'est pas toujours évident d'avoir un projecteur et pour moi, cela n'empêche pas d'utiliser une ressource TV5MONDE. Si on arrive à organiser sa classe, on peut faire la projection avec son ordinateur. J'essaie d'organiser les élèves de telle sorte que certains sont debout, d'autres sont assis et il y en a d'autres qui sont même accroupis, de sorte à former un escalier qui permette à chacun de voir. Il n'est pas rare qu'en Afrique, 60 ou même 100 personnes regardent un match de foot sur un petit écran. Donc, pourquoi ne pas utiliser cette manière de s'organiser avec des apprenants en classe ? Maintenant, cette activité, c'est en groupe. Le premier groupe à finir, tous les autres arrêtent. OK ?
Élèves
Oui.
Salifou
Si un groupe finit, tout le monde a fini. C'est bon ? Alors, au travail ! Faire travailler une soixantaine d'élèves de telle sorte qu'ils s'épanouissent tous, qu'ils s'expriment le mieux possible, c'est de travailler en groupe, et c'est l'une des raisons pour laquelle ma classe était organisée en îlots. Les apprenants sont donc déjà installés en groupe. Même quand je propose une activité individuelle, après je demande de discuter en groupe et de pouvoir faire une synthèse. Donc, déjà, même si l'apprenant n'a pas l'occasion de parler avec l'enseignant que je suis, il a l'occasion de discuter en français avec les membres de son groupe. Le plus important, c'est de leur permettre de parler. Vous avez compris ? Il faut vérifier… Je me déplace beaucoup en classe. J'essaie plus de me rapprocher d'eux et j'essaie de voir les élèves qui sont timides, et je n'hésite pas à les interroger, à les pousser à parler. Parce qu'un cours de langue avec 60 élèves, ce n'est pas toujours évident de pouvoir donner la parole à tout le monde et, du coup, certains profitent de ça pour ne pas participer ou même oublier le cours. Donc, avec moi, ça n'arrive pas parce que même quand tu te caches, je vais te chercher et je t'amène à parler. Merci ! Je vais chercher. Tiens, voilà, c'est à toi. Vous êtes d'accord ?
Élèves
Oui !
Salifou
Très bien, tu écris "qui", bravo !
Élève 1
Oui.
Salifou
Tu vois que le français n'est pas difficile. Bravo ! Hein ? (Moïse), allez ! J'essaie de les appeler par leur prénom tant que je me rappelle, parce que quand on les appelle par leur prénom, ils se sentent en sécurité, ils ont l'impression qu'on s'intéresse à eux, qu'on leur accorde de l'importance, donc ils sont plus à l'aise pour parler. Oui, le groupe de Matthias. Oui, Matthias ?
Matthias
Qu'est-ce que tu as dans la main ?
Salifou
"Qu'est-ce que", est-ce que c'est bon ?
Élèves
Oui.
Salifou
Qu'est-ce que tu as dans la main ?
Élèves
Oui.
Salifou
Très bien. Allez, tu écris la réponse. J'essaie d'interroger de façon aléatoire, de donner la parole à un apprenant qui ne s'attend pas à prendre la parole pendant le cours, et lorsqu'il prend la parole, j'essaie d'être à côté de lui, de l'encourager en lui disant : "Allez, vas-y, oui". J'essaie de compléter la phrase pour lui. S'il lui manque un mot, j'essaie de lui souffler le mot. Donc, du coup, je suis plus ouvert, j'essaie plus de les amener à avoir confiance en eux. Oh ! Allez, toi, tu ne veux pas parler ? On va te donner la parole, allez ! Tu lis la phrase.
Élève 2
Est-ce que la mère pense que son fils est intelligent ?
Salifou
Oui, la réponse, c'est quoi ?
Élève 2
La réponse, intelligent.
Salifou
Intelligent, vous êtes d'accord ?
Élèves
Oui.
Salifou
Est-ce que c'est bon ?
Élèves
Oui.
Salifou
Donc, ceux qui ont mis intelligent, un point. Ceux qui n'ont pas mis intelligent, zéro. Moi, ça ne me dérange pas que pendant mon cours, les apprenants parlent, qu'il y ait du bruit, mais il y a des moments où il est important que les apprenants puissent me suivre pour pouvoir avancer dans le cours. Alors, ce que j'ai trouvé, c'est un rituel que je fais avec eux : quand je dis "allô, allô", ils répondent "on écoute". Donc, quand ils répondent "on écoute", c'est moi qu'on écoute, et je profite de l'attention de tout le monde pour lancer une nouvelle activité ou clarifier une consigne. Allô, allô ?
Élèves
On écoute.
Salifou
Est-ce que c'est clair ?
Élèves
Oui !
Salifou
Très bien. Je vais vérifier si c'est clair. Pour vérifier, on va faire un concours. Chaque groupe va choisir un nom spécial. Confiance ? Oui ? Les boss ? Vous êtes des boss ?
Élèves
Oui !
Salifou
Oui ?
Élève 3
Intelligents.
Salifou
Intelligents ?
Élèves
Oui !
Salifou
OK. Voici ce qu'on va faire : le groupe qui va gagner, ce sera le groupe qu'on va choisir comme le roi. Et j'ai un cadeau spécial pour ce groupe. Le prix spécial, c'est ça. OK ? Voilà. Allez, c'est parti ! Une minute. Dix, neuf, huit, sept, six, cinq, quatre, trois, deux, un… on arrête d'écrire ! C'est bon ?
Élèves
Oui.
Salifou
Ce sont les boss. Et les boss ont deux points. Bravo ! Oui, là-bas ? "Quels sont les personnages de la vidéo ?" Ça, c'est du français mélangé avec de l'anglais, ça vous donne… zéro. Là-bas ? "Pourquoi avez-vous mangé les patates ?" C'est un très bon exemple. C'est quel groupe ?
Élève 4
Chance.
Salifou
C'est quel groupe ?
Élèves
La chance.
Salifou
Ce qui est intéressant, c'est de pouvoir désigner un groupe comme le groupe qui a gagné au concours. Du coup, tout apprenant qui est dans ce groupe se sent concerné. Alors, de façon aléatoire, chacun se retrouvera un jour valorisé pendant un cours. Le groupe champion, c'est le groupe de la chance. Bravo ! Ils ont cinq points. Allez, on fait un (ban) spécial pour eux. Un, deux, trois, quatre. Et c'est qui le roi ou la reine ? C'est la reine. Hein, c'est la reine ? Allez, un (ban) pour le groupe qui a gagné. Un, deux, trois, quatre. Encore ! Encore ! En classe, on a plusieurs types de (bans). On a le (banc) spécial que les apprenants aiment bien. C'est un (ban) qu'on fait avec les mains et avec les pieds. Ça leur permet en même temps de bouger, de ne pas rester figés pendant tout le cours. On ne le fait que lorsqu'il y a une occasion spéciale, par exemple quand un apprenant donne une très bonne réponse ou quand un groupe réussit une activité. Donc, le jour où on fait ce (ban) pour un apprenant, il est le héros de la journée.
Voix off
Les astuces de Salifou : aménager la salle, organiser la classe en îlots, imaginer des solutions techniques adaptées, s'inspirer des pratiques locales, favoriser la prise de parole du plus grand nombre, appeler les élèves par leurs prénoms, prévoir les activités en petits groupes, solliciter les élèves les plus en retrait, créer une émulation collective, proposer des activités compétitives et ludiques, valoriser les bonnes réponses, mettre en place des rituels fédérateurs.
Salifou
Un (ban) pour TV5MONDE ! Un (ban) pour les filles de votre classe. Un (ban) pour les garçons.