Merlin et la forêt de Brocéliande
Voilà bien longtemps que l’enchanteur Merlin s’évertue à unifier le Royaume de Bretagne aux côtés du bon roi Arthur. Voilà aussi bien longtemps qu’il ne s’est pas reposé en sa chère forêt de Brocéliande. C’est ici, en Bretagne, au milieu des grands arbres et des lacs qu’il se sent le mieux.
En cette belle matinée de printemps, Merlin, sous la forme d’un jeune homme plein de vie, se rend au cœur de Brocéliande. Non loin de la fontaine de Barenton, il aperçoit une jeune fille dont la beauté n’a d’égal que la grâce.
- Damoiselle, qui es-tu ? demande-t-il avec curiosité.
- Je suis Viviane, fille du seigneur de Comper.
Tous deux s’installent sur un rocher et conversent pendant des heures. Pour faire plaisir à la belle, Merlin fait apparaître une foule de musiciens, de danseurs et un château enchanté entouré de fleurs et d’arbres fruitiers. « Cette magie est sans aucun doute celle du grand Merlin », pense alors Viviane, émerveillée. La fête dure toute la nuit, puis le château disparaît.
- Mon doux ami, moi qui m’ennuie souvent, laissez-moi au moins le beau jardin que vous avez créé, le supplie-t-elle.
- Il m’est si difficile de vous résister. Soit, le « Jardin de joie » restera.
- J’aimerais tant connaître vos secrets. Me les apprendrez-vous ?
- Je pourrais, douce demoiselle, mais il faudrait alors me promettre votre amitié éternelle.
Viviane donne sa parole et Merlin s’engage à lui enseigner sa magie. Même fort amoureux, il sent que le royaume est en péril et n’oublie pas son devoir auprès du roi Arthur. Il quitte donc la belle à regret pour retourner à la cour.
À force de sages conseils et de quelques magies, Merlin aide Arthur à chasser les envahisseurs saxons et à réunifier le royaume. Avec hâte, il retourne au Jardin de joie où Viviane lui réserve un accueil si chaleureux qu’il s’en éprend encore plus.
Comme promis, il lui enseigne le pouvoir des plantes, la maîtrise des éléments, la métamorphose et le sort qui plonge quiconque dans un sommeil profond. L’esprit insatiable de Viviane en demande toujours plus tandis que l’amour grandissant de Merlin le fait céder à tous les caprices de la belle.
- Mon bel ami, j’aimerais tant posséder mon propre château, lumineux et plein de joie.
À ces mots, un château de cristal jaillit soudain au bord du lac.
- Douce Viviane, voici votre demeure. Nul autre que vous et votre cour ne pourrez la voir, vous serez ainsi en sécurité pendant mon absence.
- Me laissez-vous encore ? demande Viviane, désespérée.
- Je reviendrai vite.
- Promettez-moi qu’à votre retour, vous m’apprendrez le sort d’enserrement, lui demande-t-elle avec une infinie douceur.
- Qu’il en soit ainsi, répond Merlin dans un soupir.
De retour à la cour, Merlin prodigue ses derniers conseils au roi. Conscient des desseins de Viviane, il annonce à Arthur qu’il retourne définitivement en forêt de Brocéliande, où la belle l’attend, impatiente.
- Vous êtes enfin de retour, mon doux ami, s’écrie-t-elle avec joie. Vous rappelez-vous votre promesse ?
- Comment l’oublier ? répond Merlin.
L’enchanteur dévoile à sa belle le sortilège qui enserre un homme à jamais, puis s’endort profondément. Quelques heures plus tard, il se réveille dans un endroit merveilleux, mais entouré d’une paroi d’air infranchissable. À ses côtés, Viviane le regarde avec tendresse.
- Vous m’appartenez désormais comme je vous appartiens, Merlin. Nous vivrons heureux à tout jamais réunis, murmure-t-elle.
Ainsi, par amour, le grand Merlin renonce à sa liberté. Dans la forêt de Brocéliande se trouvent encore aujourd’hui quelques rochers que l’on appelle « le tombeau de Merlin ». Mais l’enchanteur n’y est pas enterré, il vit encore dans cette prison dorée que nul ne peut voir.
Textes : Aurélie Garnier, TV5.ca
Illustrations : Alexandra Myotte