L’Union européenne face au trafic de drogue

Disponible jusqu'au 05/10/2028 - 23:59Disponible jusqu'au 05/10/2028

Comment l’Union européenne lutte-t-elle contre le trafic de drogue ?

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Débattre de l’efficacité de l’Union européenne dans sa lutte pour protéger ses citoyens.

 

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    Entre répression et décriminalisation, quelle est la politique de l’Union européenne concernant les drogues présentes sur son territoire ? Le 1 avril 2023, Antoine Genton reçoit Alexis Goosdeel, directeur de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, sur le plateau de l’émission Internationales. L’occasion d’évoquer la coopération des différents acteurs concernés par la lutte contre le trafic de drogue.

    Chaîne d'origine
    TV5MONDE
    - Modifié le
    01/11/2023
    Antoine Genton, présentateur de l’émission Internationales
    Parfois les trafiquants corrompent aussi ceux qui sont chargés de les arrêter, les douaniers, les policiers, les dockers également. Quelle est l’ampleur de ce phénomène, de la corruption et est-ce que lutter contre la corruption c’est, selon vous, un moyen vraiment efficace de lutter contre le trafic ?
    Alexis Goosdeel, directeur de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies
    Nous n’avons pas de chiffres sur l’ampleur du phénomène, mais de nouveau, je pense, quand on parle de corruption, on ne devrait pas parler uniquement de la corruption liée aux drogues. Les scandales de corruption, il y en a dans tous les États membres et certains…
    Antoine Genton, présentateur de l’émission Internationales
    Pas plus pour la drogue que pour d’autres sujets ?
    Alexis Goosdeel, directeur de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies
    C’est-à-dire… quand ce sont des responsables politiques parfois on en parle moins, parfois plus. Il y a aussi des grands acteurs de l’économie, financiers qui font des fraudes impressionnantes dont on ne parle jamais. Donc j’ai un peu peur que le thème du blanchiment de l’argent lié au trafic de drogue que ce soit parfois un peu l’arbre qui cache la forêt, ou que ce soit plus facile de parler de celui-là. Mais certainement, la meilleure arme pour lutter contre le trafic et la production de drogues, c’est et ça devrait être arriver à leur retirer les bénéfices financiers qu’ils en retirent.
    Antoine Genton, présentateur de l’émission Internationales
    Vous parliez tout à l’heure de ces messageries cryptées, Sky ECC [1], EncroChat [2], qui ont été infiltrées par les polices de plusieurs pays et qui ont donc pu donner lieu à des arrestations et à des procès, on l’a évoqué. Si ces polices ont pu infiltrer ces messageries, c’est aussi grâce à la coopération, coopération essentielle. Est-ce qu’elle est suffisante aujourd’hui cette coopération entre les différentes polices, les différents métiers concernés par la lutte contre le trafic ?
    Alexis Goosdeel, directeur de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies
    Je dirais en théorie, la coopération, on peut toujours faire plus. Mais si vous regardez l’évolution des 25 ou 30 dernières années, depuis le traité de Maastricht [3], le traité d’Amsterdam [4], qui ont instauré, initié, permis l’installation, l’inauguration d’une coopération judiciaire, par exemple, pénale, civile, entre les États membres, la création d’Europol [5], dont la création initiale a été faite avec le Europol Drugs Unit [6], c’était la première raison de créer la première unité Europol…
    Antoine Genton, présentateur de l’émission Internationales
    Pour lutter contre le trafic de drogue.
    Alexis Goosdeel, directeur de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies
    Tout à fait. Il y a eu la création d’Eurojust [7] qui est le… qui sont les procureurs européens. Je pense qu’il y a une évolution extrêmement positive qui a, entre autres, permis d’établir des liens de confiance parce qu’on oublie que les forces de police, lorsqu’elles disposent d’informations confidentielles, elles doivent avoir la garantie, la certitude que quand elles vont partager avec des confrères, que cette information restera protégée et confidentielle. Ça prend du temps.
    Antoine Genton, présentateur de l’émission Internationales
    La lutte contre le trafic de drogue passe aussi, disent certains, par… est aussi plutôt une affaire d’offre et de demande. Si on veut lutter efficacement contre le trafic, contre l’offre, et bien il faut réduire la demande. Comment ? Eh bien en sanctionnant davantage les consommateurs. C’est ce que proposent certaines personnes. C’est ce qu’a prévu de faire la Belgique par exemple : jusqu’à 1 000 euros d’amende pour possession de cocaïne contre 300 avant. Est-ce que c’est une bonne méthode selon vous ?
    Alexis Goosdeel, directeur de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies
    Alors, c’est un élément… c’est un élément, un facteur qui fait partie de politiques beaucoup plus larges et beaucoup plus vastes. Donc ce qu’on voit c’est… et la Commissaire Johansson l’a souligné dans une conférence de presse précédente, on ne peut pas en effet…
    Antoine Genton, présentateur de l’émission Internationales
    La Commissaire aux affaires intérieures.
    Alexis Goosdeel, directeur de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies
    Oui. On ne peut pas dissocier le problème de l’offre entièrement de celui de la demande. Maintenant quelle est la meilleure manière de réduire la demande ? Le volet répressif jusqu’à présent n’a pas été très doué de beaucoup de succès. Par contre, toutes les initiatives qui ont offert une alternative à l’emprisonnement, une alternative aux condamnations, en essayant d’orienter les personnes vers le traitement, et renforcer les activités de prévention… oui, certainement on doit faire plus, mais on doit aussi les adapter.
    Antoine Genton, présentateur de l’émission Internationales
    On va parler de prévention dans quelques instants avec Philippe Jacqué. Vous dites : « la répression, ça n’a pas vraiment marché ». Est-ce que la légalisation des drogues, de certaines drogues en tout cas, a fonctionné selon vous ? Est-ce que le fait de les légaliser a permis de réduire le trafic ?
    Alexis Goosdeel, directeur de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies
    Alors d’abord sur la répression, je pense que le volet répressif, on en a absolument besoin. C’est impossible d’imaginer de lutter contre l’activité extrêmement développée du crime organisé uniquement en se basant sur des programmes de prévention. Et je pense qu’on a un peu laissé de côté le volet « lutte contre le trafic et la production » pour penser trop parfois à la prévention et au traitement. On a besoin des deux. Et une des forces de l’approche dans l’Union européenne, c’est l’approche plus ou moins équilibrée, pas uniquement sur la répression de l’offre, mais aussi développer la réduction de la demande. Donc il y a des initiatives qui ont donné de bons résultats notamment…
    Antoine Genton, présentateur de l’émission Internationales
    Lesquelles ?
    Alexis Goosdeel, directeur de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies
    …au Portugal. La décriminalisation en tant qu’élément d’une politique qui renforce les deux piliers, santé publique et sécurité.
    Antoine Genton, présentateur de l’émission Internationales
    Pourtant aux Pays-Bas, on entend notamment des voix… Un criminologue néerlandais qui dit que son pays a été naïf en ayant une approche tolérante face à certaines drogues, celles présentées comme douces. Les Pays-Bas dit-il, Hans Werdmölder, ont selon lui, pavé la voie à des groupes criminels.
    Alexis Goosdeel, directeur de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies
    Je pense que la question, elle est beaucoup plus complexe que ça. D’abord la politique hollandaise, elle ne se résume pas à ce que votre confrère en dit dans son livre, que je n’ai pas lu, donc je vais m’abstenir de commenter le livre. C’est le minimum que je puisse faire. Je pense que, quelles que soient les politiques qui ont été adoptées en Europe, tout le monde se trouve confronté au problème de l’extrême haute disponibilité des drogues, l’attractivité et le potentiel développement de l’usage de certaines, ou de beaucoup, ou toutes de ces substances. Donc il n’y a personne qui peut prétendre qu’il a la solution miracle. Et on dépend aussi d’un des facteurs qui est les routes d’accès, les types de substances qui arrivent sur le territoire de l’Union européenne. Mais certainement une approche qui évite de mettre les gens en prison, s’ils sont uniquement usagers, c’est une approche qui a eu de très bons résultats en Europe. Et si vous voulez la démonstration par l’absurde, regardez la privatisation du business des prisons aux États-Unis, et la quantité énorme de personnes qui se retrouvent en prison pour des délits mineurs ou uniquement pour consommation de drogues. En Europe, on a évité ça, c’est déjà un bon résultat. 
     
    [1] Sky ECC était une application canadienne de messagerie sécurisée. Surnommée « la messagerie du crime », elle était utilisée par des membres d’organisations criminelles internationales impliquées dans le trafic de drogue notamment. Début 2021, les autorités belges et néerlandaises ont infiltré ce réseau de communication sur leur territoire permettant l’arrestation de 48 personnes.

    [2] EncroChat était une entreprise de service de télécommunications chiffrées néerlandaise, utilisée notamment pour des activités criminelles. En 2020, elle a fait l’objet d’une enquête des autorités anglaises, françaises et néerlandaises. Se sachant infiltrée, l’entreprise a cessé ses activités en juin 2020.

    [3] Il s’agit du traité fondateur de l’Union européenne, signé en 1992, qui a posé les jalons de la monnaie unique (l’euro), institué la Banque centrale européenne (BCE) et le Système européen de banques centrales dont il définit les missions.

    [4] Signé en 1997, le traité d’Amsterdam fait suite au traité de Maastricht en modifiant le traité sur l’Union européenne. Il propose de mettre en place « un espace de liberté, de sécurité et de justice » et fait entrer de nouveaux domaines dans le champ communautaire. Il pose également le principe des coopérations renforcées, qui permettent à un groupe restreint de pays d’avancer plus vite sur des projets définis et ébauche une réforme du fonctionnement institutionnel.

    [5] Europol est une agence européenne de police criminelle, fondée en 1998, qui facilite l’échange de renseignements entre polices nationales en matière de stupéfiants, de terrorisme, de criminalité internationale et de pédocriminalité au sein de l’Union européenne.

    [6] L’unité antidrogue d’Europol a été créée en tant que précurseur de l’Office européen de police (Europol). Elle renforce la coopération entre les États membres de l’Union européenne pour lutter contre certains types de criminalité organisée au niveau international.

    [7] Il s’agit de l’agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale. Elle réunit les autorités judiciaires des États membres, à l’exception du Danemark, dans le but de lutter contre la grande criminalité transfrontalière organisée qui touche plusieurs pays de l’Union européenne.


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