Voix off
Il rêve d'une classe, de petits camarades et d'un maître d'école, mais aujourd'hui, ce jeune garçon déplacé devra se contenter de son seul livre de mathématiques.
Alexis Bora, élève déplacé originaire de Rugari
Les études représentent l'avenir pour moi parce que celui qui a étudié peut trouver un emploi. Au contraire, celui qui n'a pas été à l’école peut devenir un enfant de la rue, un Maï-bobo1. Depuis que nous vivons comme déplacés, nous n'étudions plus.
Voix off
Voilà deux ans que lui et sa famille ont quitté leur maison à Rugari, à l’est du pays, pour fuir les combats et les massacres menés par le M232. Deux ans, que le garçon n’a pas mis les pieds à l’école.
Umutoni Bkzazi, déplacée originaire de Rugari
Chez nous, avant que l’on soit chassés, on cultivait pour avoir de l’argent. Ça nous permettait de scolariser nos enfants. Aujourd’hui, là où nous sommes, ils ne peuvent pas étudier. Tout à l’heure, mon fils m'a amené son cahier, il m'a dit qu'il se rappelait de ce qu’il a étudié. Mais je n'ai rien à lui répondre, je ne sais pas comment faire pour me procurer l’argent nécessaire pour qu’il étudie.
Voix off
Pauvreté, cherté de la vie, insécurité grandissante… À Goma3, la rentrée scolaire est une lutte pour toutes les familles. La ville est coupée de toutes les voies d’approvisionnement, encerclée par les rebelles du M23. Au marché central, cette mère de trois enfants fait ses courses de rentrée. Elle a dû se serrer la ceinture pour se procurer ces fournitures. Elle se sent abandonnée par le gouvernement.
Solange Françoise Bahati, habitante de Goma
L’aide du gouvernement, nous ne comptons pas dessus. Si tu attends de l'aide, tes enfants finiront dans la rue. Ce que je peux donner comme conseil aux autres familles, c’est qu'elles n’attendent rien du gouvernement. Elles doivent se battre.
Voix off
La ville de Goma compte environ un million d’habitants et un million de déplacés. Parmi eux, des milliers d'enfants non scolarisés que l'État promet de recenser. Leur identification permettrait leur prise en charge scolaire. Mais leur nombre ne cesse d’augmenter face à la dégradation de la situation sécuritaire dans le Nord-Kivu.
Prisca Luanda, conseillère du gouverneur militaire en matière d’éducation
C’est un peu difficile de pouvoir gérer tous ces enfants dans les zones d’accueil ici4. Je parle de la ville de Goma, mais aussi dans des familles d’accueil. Parce que si on connaissait5leur nombre, il faudrait maintenant avoir des salles de classe ou les orienter dans des écoles où il y a de la place.
Voix off
Encore faut-il qu’il y ait des professeurs pour enseigner aux élèves. Le jour de la rentrée, les salles de classes des écoles publiques étaient vides de leurs maîtres et maîtresses. Entrés en grève, ils demandent une augmentation des salaires à l’État et l’amélioration de leurs conditions de vie.
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1Mot congolais pour désigner les enfants des rues.
2 Le mouvement du 23 mars, également appelé M23, est un groupe armé, actif dans le Nord-Kivu en République démocratique du Congo, créé le 6 mai 2012 par des officiers des forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), entré en rébellion contre le gouvernement congolais. (Source : Wikipédia)
3 Goma est une ville de l'est de la République démocratique du Congo, située sur la rive nord du lac Kivu, à 40km au sud de Rugari. (Source : Wikipédia)
4 Cette phrase a été modifiée par rapport à ce qui est entendu : « C’est un peu difficile que tous ces enfants on puisse les gérer dans les zones d’accueil ici. »
5 Cette phrase a été modifiée par rapport à ce qui est entendu : « …quand on connaîtra leur nombre… »