Liberté de la presse : le dessin comme arme absolue ?

Disponible jusqu'au 31/12/2030 - 22:59Disponible jusqu'au 31/12/2030
Une émission ni bête, ni méchante sur l'art de la caricature.
Réfléchir à l'impact d'un choix visuel.

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Durée
15:47

Vidéo

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Éducation aux médias : éditorial
Éducation aux médias : analyse des images
Éducation aux médias : invité-e
Éducation aux médias : caricatures
Éducation aux médias : liberté d'information
Éducation aux médias : dessinateur-trice de presse
Fiche pédagogique
    La presse, la liberté de la presse, le journalisme, les caricatures, les médias, le pouvoir des images.
    Production
    RTS / TV5MONDE
    Chaîne d'origine
    RTS
    - Modifié le
    10/08/2021
    Le contexte
    Bienvenue sur Geopolitis.
    « On peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui ! », c'était le postulat de l'humoriste français Pierre Desproges. Il faisait référence, à l'époque, à certains dessins de presse, des dessins humoristiques, jugés bêtes et méchants. Tiens, c'est curieux, bête et méchant, c'est justement la devise, la raison d'être d'un hebdomadaire comme « Charlie Hebdo », et ce qu'il y a de remarquable dans ce journal, c'est que la une, ce n'est pas du texte , c'est, toujours, un dessin ou une caricature.
     
    On dit souvent que, dans un journal, le dessin humoristique en dit plus long qu'un éditorial.  La caricature est en effet le véhicule instantané de tout ce qui est montré, mais aussi de tout ce qui est suggéré, dans une forme de message subliminal, le tout dit sans précaution, parfois avec cruauté, toujours avec le souci de faire  rire, voire même de ricaner. À l'heure où, dans le monde, on célèbre la journée de la liberté de la presse, Geopolitis décrypte ce qui fait la force, l'impact, la nécessité aussi du dessin de presse.
     
    Ils se nomment Plantu, Chappatte, Cabu, Hermann, Faizant, Burki, Siné ou Barrigue, pour rester dans le monde de la francophonie : ce sont des noms simples, d’ailleurs des fois on ne sait même pas si ces monsieurs ont un prénom, bref, ce sont ceux qui, quotidiennement, font la « une » des journaux. Leur stylo est trempé dans l'acide, leur plume est acérée, leur liberté est totale, on les aime, on les redoute ; en un coup de crayon, ils peuvent faire rire aux larmes, tout en brisant une carrière. Ils dénoncent férocement les grands de ce monde. Ils font du journalisme, ils participent à la démocratie. Et leur art ou leur mission ne date pas d'hier, puisque, en France par exemple, c'est à la suite de la révolution de 1830 que l'on fonde le tout premier journal satirique. Il s'appelle, tout crûment, « la Caricature », et son objectif est simple : informer, oui, mais par le truchement de la dérision. Le dessin sous forme de « caricature » a pour fonction de révéler un problème, un malaise, et s’il gêne, ce dessin, s’il offusque, c'est que, justement, il est là pour transgresser un code, pour casser une retenue, tout en laissant place à l'imagination, donc à la création. Le dessinateur Plantu ne dit pas autre chose.
     
    Plantu : « Le dessinateur de presse doit être plus rigoureux et journaliste. C’est-à-dire qu’il doit continuer à se lâcher et à passer son temps à énerver tout le monde, à être borderline, à dépasser même la ligne rouge, mais à la fois, il faut qu’il pense que, son dessin, il est aussi un dessin provocateur ».
    Le métier n'est pas sans danger : le 20 mars de l'année dernière, Kais Al Hilali, un dessinateur libyen de 34 ans est abattu par un soldat: il était en train de faire une caricature de Khadafi sur un mur. Dix ans plus tôt, en Sierra Leone, le dessinateur Minuru Turay, alias Azzo, était assassiné par un mouvement révolutionnaire : ses caricatures avaient déplu. Combien de journalistes dessinateurs ont été ainsi visés, censurés, ouvertement ou sournoisement, voire arrêtés ou exilés. C'est, entre autres buts, pour les défendre, que s'est créée l'association Cartooning for Peace, dessins pour la paix, avec un parrain, Kofi Annan, un fondateur connu, Plantu, du journal Le Monde, et une belle brochette de dessinateurs de tous pays, résolus, comme ils le formulent si bien, à faire désapprendre l'intolérance.
     
    Le reportage
     
    Liberté de la presse : la parole aux dessinateurs ?
    Leurs dessins sont muets et pourtant, ils parlent aux lecteurs. Les auteurs n'ont pas toujours l'occasion de s'expliquer. Il est donc temps, pour une fois, de leur donner la parole.
    Burki : « J’essaie de donner à mes dessins, pas seulement une méchanceté ni tirer à boulet rouge sur certaines personnalités, mais aussi chercher le côté poétique ».
    Chappatte : « J’essaie d’être juste. Ça a l’air modeste, mais en même temps, derrière la justesse, il y a la provocation, je crois. On est jamais aussi provocant que quand on est juste, quand on vise juste ».
    Herrmann : « Je déteste regarder les choses en plan moyen, j’aime bien me placer un peu plus haut que l’actualité ou à côté ou en contre bas pour voir les choses d’en bas. Et ça me donne un angle que les journalistes ne vont pas chercher ».
     
     
    Les caricatures de Mahomet : un exemple à dessein ?
    Dans la première série de publication, il y a 12 dessins, 12 caricatures, et un titre : les visages de Mahomet. L'affaire commence ainsi, par cette demande du journal danois le Jyllands Posten, à une quarantaine de dessinateurs indépendants, consistant à illustrer un livre pour enfants sur le prophète. Nous sommes en septembre 2005. Dès octobre, le journal reçoit des menaces de mort, les premières manifestations sont lancées, d'abord au Danemark, puis, bientôt, dans l'ensemble du monde, car de nombreux journaux reprennent ces caricatures, de l'Égypte à l'Allemagne et de la France à Bosnie. En janvier 2006, plusieurs pays lancent même un boycott sur le Danemark et en février, c'est l'explosion de colère, de la Mauritanie à l'Indonésie et du Liban au Pakistan. Des consulats sont incendiés. 7 ans après ces publications qualifiées de provocations, l'affaire fait encore parler d'elle. Le mois dernier, deux jeunes tunisiens ont été condamnés à 7 ans de prison pour avoir publié certaines de ces caricatures sur Facebook. Les motifs des inculpations étaient les suivants : atteinte à la morale et atteinte aux valeurs du sacré.
     
     
    Du dessin à la BD : une nouvelle forme de reportage ?
    C'est très tendance : le couple vedette journalisme et BD, les Américains appellent cela « graphic journalism », les Français disent « reportage BD ». On troque le micro, la caméra ou l'appareil photo contre le stylo ou le crayon. Maître de cet art, Joe Sacco, un auteur maltais d'origine qui vit aux États-Unis et qui a fait un tabac mondial avec ses « reportages », de Palestine en Bosnie, qui parle des femmes tchétchènes ou des immigrants africains. Attention, le reportage BD est différent, par essence, du reportage classique : le reporter ne se contente pas de donner les faits, il se met en situation, il nous fait vivre ses impressions, ses joies, ses peurs, il n'est donc pas seulement « narrateur », il est « sujet ». Chappatte, le dessinateur suisse, fait de même, du printemps arabe à la course à l'Élysée. Comme le dit ce dessinateur genevois, on raconte le monde avec la simplicité du dessin et on donne à voir l'humanité derrière l'actualité. Le Québécois Guy Delisle a livré lui ses chroniques birmanes avant de se plonger, un moment, dans la ville éternelle, Jérusalem. C'est de l'actualité vue de l'intérieur. Le grand, l'immense Art Spiegelman avait obtenu en 1992 le prix Pullitzer pour son historique BD « Maus », qui relatait l'histoire de sa famille pendant l'holocauste. En somme, le BD reportage, c'est le croisement du 9e art et du 4e pouvoir.
     

    L’édito
    Il nous faut l'admettre, même si cela nous coûte ! Le micro, la plume ou la caméra du reporter  sont des armes moins acérées, moins tranchantes moins performantes que le crayon ou le feutre du dessinateur de presse. Les deux professionnels sont journalistes, de par leur fonction et de par leur statut. Là n'est pas la question. Ce qui les différencie c'est le mandat. Le reporter doit s'en tenir aux faits, décrire ce qu'il voit, écrire ce qu'on lui rapporte. Le dessinateur de presse n'a pas la même ligne : il croque, à son aise, il déforme, à son goût, il grossit le trait, selon sa vision, bref, il caricature, et la connotation, en l'espèce, n'est pas péjorative. Il est du reste payé pour montrer non ce qu'il voit, mais ce que lui inspire ce qu'il voit. Là où le reporter n'a pas le droit d'inventer, le dessinateur de presse, lui, crée une situation, modèle ses personnages et écrit des dialogues. Là où le journaliste de desk n'a aucun droit à livrer son message, le caricaturiste s'est octroyé le devoir de délivrer tous les messages qu'il souhaite, celui qui paraît évident, mais aussi celui qui est suggéré. Enfin, le dessinateur fait rire, 9 fois sur 10. Le rire et la dérision, deux armes de destruction massive. Par bonheur, elles sont au service de la liberté de la presse.