Dominique Laresche, présentatrice de l’émission Objectif Monde
Xavier Pasco, je rappelle que vous êtes directeur de la Fondation pour la recherche stratégique. La Chine a complété sa station spatiale en 2022. Vous en savez plus ? Vous pouvez nous en dire plus sur la fameuse SSC ?
Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste des questions spatiales
C’est une station qui a pour but de donner… enfin de montrer au monde finalement que la Chine est capable d’une autonomie importante en matière de vol habité. Réellement avec les premiers modules qui avaient été lancés, expérimentaux, les années précédentes, c’était vraiment la volonté de cocher cette case de la puissance spatiale complètement accomplie, j’allais dire, et avec trois modules aujourd’hui, qui hébergent trois astronautes. Bien, on a une réplique je dirais, presque un peu en modèle réduit quand même, de la station spatiale internationale qui reste un très, très grand projet de coopération internationale.
Dominique Laresche, présentatrice de l’émission Objectif Monde
Alors justement, à propos de coopération internationale, on va retrouver David Saint-Jacques à Montréal. David, il y a aussi une dimension effectivement géopolitique dans ce sujet de l’espace. L’espace, c’est aussi une manière pour les… c’est une manière pour les grandes puissances de montrer leurs muscles, on va dire ça comme ça. Est-ce que justement les programmes spatiaux, ça ne permet pas parfois aussi de rapprocher, de faire parler, dialoguer des pays qui sont parfois en crise ?
David Saint-Jacques, astronaute de l’agence spatiale canadienne
Effectivement, Dominique. Et puis comme l’a dit Xavier Pasco, il y a toujours une notion, là, de… on veut se prouver un peu, avec les programmes spatiaux, c’est une manière pour les États, là, de s’afficher comme développés. Mais c’est aussi une immense opportunité de collaboration comme vous l’avez dit. Et puis il suffit de se rappeler un peu l’histoire, la première course vers la Lune dans un contexte de la guerre froide avec l’URSS à l’époque. Le programme spatial international qui en est sorti, ça reste un des derniers ponts ouverts diplomatiques. C’est un peu comme si l’espace était l’endroit idéal pour aller au-delà, traverser les crises. Donc je pense que dans le contexte, là, des… C’est un truc très important, le contexte international des programmes spatiaux. Plus ils sont complexes, plus il faut les envisager comme des collaborations. Et c’est un outil de diplomatie et de stabilisation géopolitique indéniable. Et donc je pense que, un peu comme c’était le cas avec l’URSS, puis la Russie, avec la Chine on peut espérer que, un jour, la collaboration va être au menu. Et on ne le regrettera pas, d’avoir utilisé l’espace comme un pont pour dialoguer.
Dominique Laresche, présentatrice de l’émission Objectif Monde
Philippe Willekens, on va regarder ensemble ces chiffres. Ce sont les chiffres du budget, des budgets des différentes agences spatiales. Alors on voit que le budget de la NASA a 19 milliards de dollars. La Chine est seulement au quatrième rang avec la CNSA, 2 milliards de dollars seulement. En fait quand on constate l’ambition chinoise, on se dit quoi ? Est-ce qu’on a les bons chiffres ou pas ?
Philippe Willekens, porte-parole de l’Agence spatiale européenne (ESA)
On ne saura probablement pas les chiffres exacts. Tout ce qu’on sait, c’est comment se positionne l’Europe par rapport à tout ça. Et c’est ce qui nous importe. Ce que fait la concurrence, ce que fait la Chine, est comme on vient de le décrire, quelque chose qui montre une forme d’indépendance avec une petite sœur par rapport à l’envergure de la coopération internationale qu’on a aujourd’hui. L’Europe est un des partenaires principaux de la coopération internationale sur la station spatiale depuis plus de 20 ans. On habite la station depuis 2001 pratiquement de manière permanente. Donc, là, il y a vraiment quelque chose de très fort et de continu. Mais surtout on va continuer cette coopération. Mais ça n’empêche que, parallèlement, il faut… il faut affirmer une forme d’indépendance également. On a vu, les événements de ces dernières années nous amènent à un besoin de souveraineté de l’Europe qui doit s’affirmer et c’est ce qui va se passer.
Dominique Laresche, présentatrice de l’émission Objectif Monde
Alors on parlait, Xavier Pasco, de coopération internationale. Mais quand même attention, la Chine n’a pas ratifié le programme Artemis et pour cause, puisqu’en fait les Chinois sont exclus de tous les grands programmes spatiaux américains. Pourquoi ?
Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste des questions spatiales
Alors effectivement, ils n’ont pas été invités à le faire, j’allais dire. Ils ont leur programme concurrent. Mais c’est quelque chose qui remonte à la fin des années 90. En fait, ça s’inscrit, comme le disait David, dans un contexte géopolitique qui est là depuis la fin des années 90, le début des années 2000, avec le souci pour les États-Unis de voir grandir cette puissance importante du point de vue technologique, du point de vue militaire. Et le spatial est un bon, j’allais dire, un bon indice un petit peu de cette qualité-là. Et donc les Chinois, vus aujourd’hui comme des compétiteurs stratégiques, et bien ont été très, très surveillés par les Américains et parfois exclus de grandes coopérations comme la station spatiale.
Dominique Laresche, présentatrice de l’émission Objectif Monde
Alors on sait que l’objectif, c’est Mars. Qui sera le premier à déposer un pied sur Mars ? Les Chinois ?
Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste des questions spatiales
Alors ça, c’est la grande question. Alors ce sera sans doute un enjeu, ça, c’est clair, symbolique, très fort. Et on voit bien qu’effectivement, je pense, États-Unis à nouveau et Chine, dans cette perspective-là, vont se regarder très attentivement mutuellement. Et… alors là je ne pourrai pas répondre à cette question. Mars reste quelque chose qui est encore en devenir. Mais on va déjà avoir des bons indices avec la Lune pour voir comment tout ça se met en place. Et on peut espérer, on peut espérer qu’à terme, la Lune, ça serve aussi de véhicule de rapprochement des deux pays.