Silvia Garcia
Et aujourd’hui, la question qui se pose, c’est quelle parade face à un troll qui est devenu président ? Vous, je le disais tout à l’heure, vous travaillez Pauline à la rubrique Désintox, donc vous faites ce qu’on appelle du fact checking, de la vérification de faits. Comment vous travaillez concrètement dans un contexte comme celui-là ?
Pauline Moullot, journaliste à la rubrique Désintox du quotidien français Libération
Ben on retourne à la base c’est-à-dire vérifier… euh… vérifier toutes les informations et expliquer surtout, je pense que…
Silvia Garcia
Comment vous faites ? Admettons, il y a une fausse information qui circule, vous appelez des gens… ? Enfin, pour que ça soit assez concret pour ceux qui nous regardent.
Pauline Moullot
Oui, ben on fait comme tous les journalistes quand ils font un article, quand ils font un reportage, ils vérifient et donc, quand on entend quelque chose ou quand on voit, quand on voit quelque chose, on essaie de savoir qui l’a dit, quelle est la source, remonter à la source, qui parle, est-ce que c’est confirmé, est-ce qu’il y a une seule personne qui le dit, est-ce qu’il y a plusieurs personnes ?
Silvia Garcia
Et ce sont les règles de base du journalisme…
Pauline Moullot
Et ce sont les règles de base…
Silvia Garcia
Que tout le monde peut-être ne connaît pas mais c’est vraiment les petites règles de base. La question qui se pose aussi aujourd’hui, c’est est-ce que la presse est un réel contre-pouvoir ? Vous vous sentez, vous, un contre-pouvoir avec le travail que vous faites ?
Pauline Moullot
Un contre-pouvoir, je pense que c’est, je pense que c’est… un peu, un peu fort. Je pense qu’il y a toute une partie de…, malheureusement, une partie des gens qui, qui préfèrent croire aux faits alternatifs et que de toute façon, on n’atteindra pas, mais c’est euh…
Julien Le Bot
Je crois qu’il y a la question des conditions d’accès, en fait, aux faits. Par exemple, Donald Trump, ce qui est assez marquant - parce qu’on parle toujours de cette cérémonie d’investiture -, c’est que dès lors qu’il a pris le pouvoir, enfin, il a tout de suite demandé à un certain nombre d’institutions en charge notamment des questions environnementales et agricoles d’arrêter de s’exprimer, d’arrêter d’utiliser les réseaux sociaux, presque quelque part de faire un black-out sur tout ce qui était accès aux données, notamment celles qui concernent le changement climatique. Donc, on a d’une part en fait une institution, ou plutôt une institutionnalisation de la guerre qui est faite aux faits à des fins finalement idéologiques et politiques et, dans le même temps, dans le public on parle d’une opinion qui peut être est capable finalement de… de… de… d’arriver à la vérité, puisque certains journaux sortent les mensonges qui peuvent être colportés par une administration, on se rend compte que dans l’accès à l’information, notamment via les réseaux sociaux, il y a beaucoup de… une énorme partie du public qui désormais ne se sert pas directement par exemple de la page d’accueil du New York Times, du Guardian, du Monde ou de Libération pour accéder à de l’information. Et dès lors, en tant que journaliste, en fait on n’est plus stricto sensu un contre-pouvoir dans un environnement qui est extrêmement bien institutionnalisé, où on sait quelque part qu’on est les « gatekeepers » comme on disait pendant un moment, c’est-à-dire ceux qui maitrisent l’accès à l’espace public et qui filtrent, qui permettent en fait en un certain sens aux bons faits de venir interroger le public pour savoir ben… quelle est la réalité qui est en train de se jouer. Non, non, on a vraiment un contexte qui est vraiment métamorphosé, enfin, transformé et le fait de revenir, comme vous le disiez Pauline par exemple, à ce qui est la vérification des faits et d’avoir même presque des rubriques dédiées.
Silvia Garcia
Ce qui est le cas aujourd’hui !
Julien Le Bot
Ça veut dire qu’on sort de la téléréalité, on essaie de montrer qu’on sort de la société du spectacle euh… de Debord, de Baudrillard, comme le mentionnait John et on essaie de dire mais si, on vous assure, on essaie d’être plus professionnels que jamais.