Mohamed Kaci, journaliste
Nous sommes le 3 novembre et depuis ce matin, 9h22 précises, les femmes françaises travaillent gratuitement jusqu’à la fin de cette année 2021, et ce en raison de l’écart salarial avec les hommes, une injustice dénoncée par Les Glorieuses. Bonsoir Rebecca Amsellem, soyez la bienvenue sur TV5MONDE, vous êtes la fondatrice de cette lettre d’information, cette newsletter, comme on dit en anglais, Les Glorieuses, économiste et militante féministe. Alors, l’écart salarial entre hommes et femmes, c’est donc encore une réalité en 2021. À combien évaluez-vous cet écart ?
Rebecca Amsellem, fondatrice des Glorieuses
Absolument. Alors c’est pas nous qui évaluons l’écart. Nous, on prend en fait un chiffre qui a été produit par Eurostat, qui est l’organisme de statistiques européens, qui montre qu’il y a un écart de rémunération entre les femmes et les hommes, à équivalent temps plein, qui est de l’ordre de 16,5 %. Quand on parle d’écart salarial en France, d’ailleurs partout dans le monde, on peut prendre plein de chiffres différents. Alors pour moi, il y en a trois qui permettent d’expliquer trois réalités différentes : ce chiffre de 16,5 %, donc à équivalent temps plein, il y a aussi ce chiffre qui est aux alentours de 10 % environ, qui est à poste égal et à expérience égale, c’est ce qu’on appelle la discrimination pure. Ce qui veut dire que même avec la même expérience et en faisant un même poste avec les mêmes responsabilités, les femmes sont payées en moyenne 10 % de moins que les hommes. Et après, il y a ce dernier chiffre qui est de l’ordre de 25 % environ, qui est produit par l’INSEE, qui montre qu’il y a un écart de rémunération, alors là c’est tous postes confondus, tous temps de travail confondus, que les femmes effectivement gagnent environ un quart de moins que les hommes.
Mohamed Kaci, journaliste
Comment expliquez-vous cette situation encore aujourd’hui en 2021 ?
Rebecca Amsellem, fondatrice des Glorieuses
Ben c’est aberrant. En fait, ce qu’on a tendance à dire depuis des années, c’est que si jamais les femmes gagnent moins, ce serait de leur faute, ce qui est en fait finalement une fausse raison, une culpabilisation, une fausse raison, ce serait de dire que les femmes seraient, par exemple, trop timides pour demander des augmentations, qu’elles n’oseraient pas. Alors que des études montrent que non seulement elles demandent des augmentations, mais en plus on leur refuse davantage qu’aux hommes. Donc finalement, ça c’est une espèce de non raison. L’autre raison, ce serait de dire que, ben, en fait finalement pour arriver à une égalité de salaires, il faut un certain nombre de politiques publiques pour accompagner cette égalité. Et parce que malheureusement, cette inégalité salariale est l’héritage de siècles de…
Mohamed Kaci, journaliste
De décisions politiques aussi. Et de siècles et de décisions actuelles, et d’ailleurs justement, vous lancez un appel à l’adresse des pouvoirs publics, des entreprises, les premières concernées, mais aussi à l’attention des candidates et des candidats à la présidentielle française de 2022, #3 novembre, je vous cite : « Allez-vous voter pour une personne qui ne lutte pas contre les inégalités salariales ? ». Quelques propositions concrètes ?
Rebecca Amsellem, fondatrice des Glorieuses
Absolument. Alors déjà, je voulais juste rappeler que ce point relève d’un point fondamental qui est que les femmes représentent quand même 52% du corps électoral. Donc, si jamais on se met toutes ensemble, on peut décider de voter pour un candidat ou une candidate qui se bat réellement pour les droits des femmes. Alors, trois propositions. Les trois propositions, ce sont dans un premier temps le principe d’éga-conditionnalité, appliquer ce principe-là. C’est donc conditionner l’accès au marché public, conditionner l’accès à des subventions, ou encore au prêt garanti par l’État à des entreprises qui respectent réellement cette égalité salariale. C’est un peu ce que j’appelle la mesure à zéro euro. Ça coûte rien en plus finalement de faire cette mesure. La seconde mesure, c’est de revaloriser les métiers dans les secteurs qui sont à forte prédominance féminine.
Mohamed Kaci, journaliste
Les soignantes, notamment.
Rebecca Amsellem, fondatrice des Glorieuses
Par exemple. Effectivement, les soignantes, les travailleuses qui travaillent dans le social, ou encore le corps enseignant, finalement 65% du corps enseignant sont des femmes. Ça, c’est la seconde proposition. Et la dernière proposition, c’est de faire un congé parental à séparer entre les deux parents. Et en fait ce qui est intéressant avec ces trois propositions, c’est qu’on ne les a pas sorties du chapeau. C’est des propositions qui ont fait leurs preuves dans des pays où les inégalités de salaires sont les plus faibles, comme par exemple en Islande, en Norvège ou encore au Rwanda.
Mohamed Kaci, journaliste
Il y a des exemples concrets donc merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions, Rebecca Amsellem, donc fondatrice des Glorieuses, merci à vous.