Lisette Eh bien, Mademoiselle, à quoi en êtes-vous ?
Angélique
J'en suis à m'affliger.
Lisette
Qu'avez-vous dit à votre mère ?
Angélique
Tout ce qu'elle a voulu.
Lisette
Vous épouserez donc Monsieur Damis ?
Angélique
Ah non ; c'est bien assez qu'il m'épouse.
Lisette
Oui, mais vous n'en serez pas moins sa femme.
Angélique
Eh bien, ma mère n'a qu'à l'aimer pour nous deux ; car pour moi je n'aimerai jamais qu'Éraste.
Lisette
Il le mérite bien.
Angélique
Oh ! Pour ça, oui. C'est lui qui est aimable, qui est plaisant, et non pas ce Monsieur Damis que ma mère a été prendre je ne sais où, qui ferait bien mieux d'être mon grand-père que mon mari. Tout ce que me dit Éraste est si touchant ! On voit bien que c’est du fond du cœur qu’il parle. Ma mère dit qu'on est obligé d'aimer son mari… Eh bien, qu'on me donne Éraste ! Et je l'aimerai tant qu'on voudra, cela me sera bien commode.
Lisette
Mais avec ces sentiments-là, que ne refusez-vous point courageusement Damis ? Il est encore temps ; vous êtes d'une vitalité étonnante avec moi, et vous tremblez devant votre mère. Il faudrait lui dire ce soir : cet homme-là est trop vieux pour moi ; je ne l'aime point, je le hais, je le haïrai, et…
Angélique
Mais quand ma mère me parle, je n'ai plus d'esprit. En vérité, si je n'avais pas le cœur bon, tiens, je crois que je haïrais ma mère !
Lisette
Je haïrais ma mère…
Angélique
Je haïrais ma mère d'être cause que j'ai des émotions pour des choses dont je suis sûre que je ne me soucierais pas si je les avais.
Lisette
Mais parlons d'autre chose. Vous aimez Éraste ?
Angélique
Je l'aime beaucoup, je ne peux me résoudre à le perdre.
Lisette
Prenez donc la bonne résolution de n'être pas à un autre. Il y a ici une lettre à vous rendre de sa part.
Angélique, charmée
Une lettre de sa part ! Où est-elle ? Oh ! Que j'aurai du plaisir à la lire !
La secrétaire, se parlant à elle-même
J’ai déjà entendu ça quelque part.