Voix off
Dans ce bâtiment chargé d’histoire, au détour d’une porte ou d’un escalier, des LED1 rouges s’étirent.
Gerta Xhaferaj, artiste albanaise
Elles traversent la villa, elles suivent toutes les formes architecturales et vont jusqu’à la façade.
Voix off
C’est l’installation de cette artiste albanaise, Gerta Xhaferaj, en résidence depuis trois mois dans cette ancienne demeure du dictateur Enver Hoxha2.
Gerta Xhaferaj, artiste albanaise
La lumière rouge nous guide jusqu’aux tunnels. La raison pour laquelle elle est visible en façade, c’est pour que les gens à l’extérieur, et pas seulement ceux qui visitent la villa, comprennent qu’il y a des tunnels cachés au sous-sol, car tout le monde devrait être au courant.
Voix off
Depuis la mort du dictateur, beaucoup de bâtiments emblématiques de son passage au pouvoir sont restés porte close. Ces tunnels faisaient donc encore aujourd’hui partie de la légende urbaine. Via la fondation française Art Explora, des artistes albanais et internationaux sont invités en résidence dans une des ailes de cette demeure de 3 000 m2. Pour cette première session, une photographe française a été sélectionnée.
Marianne Maric, photographe
Là, j’ai un peu détourné l’objet qui est en fait un élément de costume traditionnel qu’on met normalement ici, en fait.
Voix off
Son travail s’inspire du mouvement Marubi3, une référence photographique albanaise de la deuxième partie du 19e siècle.
Marianne Maric, photographe
Ils ont commencé en 1850 à faire des portraits avec toujours des fonds de tapis ou des fonds traditionnels et de toutes classes sociales. C’est un hommage aussi à la culture populaire qui revient dans cette villa. Le cycle Marubi s’est arrêté, en fait, sous un ordre de ce dictateur-là.
Voix off
Ouvrir cette villa au public et la transformer en lieu de création, et non en lieu de mémoire, est un choix audacieux. Selon cet historien, c’est un pied de nez direct à la censure du passé et à la persécution des artistes de l’époque.
Elidor Mëhilli, historien
Je pense que l’idée était de remplir l’endroit avec toutes ces choses qui étaient considérées comme étant contre le régime socialiste et contre l’État. C’est une manière de réhabiliter le lieu, mais je pense que l’autre point important, selon moi, en tant qu’auteur et historien qui a grandi dans cette ville, c’est que c’est gratuit et ouvert à tout le monde.
Voix off
Un projet qui fait écho à la politique plus générale de l’Albanie actuelle : faire table rase de sa période sombre et remettre des couleurs partout dans le pays.
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1 Anglicisme pour « diode électroluminescente ».
2 Enver Hoxha (1908-1985) dirige la République populaire socialiste d’Albanie de 1945 jusqu’à sa mort, en tant que Premier secrétaire du parti communiste d’Albanie, qu’il fonde en 1941. Il met en place un régime qui isole profondément le pays du reste de l’Europe, inscrit dans le courant staliniste. Sa dictature est considérée comme l’une des plus répressives et des plus sanglantes de l’histoire contemporaine de l’Europe. (Source : Wikipédia).
3 Pietro Marubi (1834-1903) s’installe en Albanie où il ouvre en 1858 le premier studio photographique du pays. Trois générations se succèderont, de 1858 à 1950, immortalisant la société albanaise au fur et à mesure des changements sociaux et politiques. (Source : voyagealbanie.com).