Denise Époté, présentatrice de l’émission Et si… vous me disiez toute la vérité
Alors, dans la majorité des pays, les PME [1] représentent près de 33 % du PIB [2] et contrôlent majoritairement les secteurs de l’agriculture, de la distribution, de la construction et des services. Comment accompagner leur compétitivité face à la concurrence de plus en plus grande, et féroce même, des entreprises étrangères ?
Lynda Aphing-Kouassi, directrice du cabinet Kaizène
Bon, déjà il faut qu’on comprenne ce qu’on produit. Il faut qu’on puisse le vendre entre nous. Et ensuite, pouvoir aspirer à une compétition internationale. Et c’est ce que je pense que nous ne faisons pas assez bien, simplement parce qu’en fait on a une tendance à juste se créer pour se créer. Donc il faut déjà avoir la qualité au travers de ce qu’on fait et ensuite vendre dans la sous-région et aspirer à une internationalisation claire et précise. Ça nous ramène encore une fois à votre point, tout à l’heure, de réglementation. Il faudrait que nos États également mettent des quotas et des réglementations dans le sens d’accompagnement de nos PME pour qu’elles puissent également se vendre à l’international. Et qu’il y ait une capacité d’accepter les PME locales à tous les différents appels d’offres de nos pays, à défaut de toujours ouvrir pour des entreprises étrangères qui ont la même plus-value que nos PME locales.
Denise Époté, présentatrice de l’émission Et si… vous me disiez toute la vérité
Alors, en Afrique 27 % des chefs d’entreprise sont des femmes. C’est un record mondial. Quelles sont les singularités des entreprises dirigées par des femmes ?
Lynda Aphing-Kouassi, directrice du cabinet Kaizène
La singularité pour nos entreprises dirigées par des femmes : beaucoup plus de discipline et beaucoup plus de rigueur et de qualité dans ce qu’on produit. La femme, déjà, a souffert longtemps du syndrome de l’imposteur [3]. Donc une fois qu’elle a ce statut de cheffe d’entreprise, son objectif visé, c’est vraiment l’excellence. Donc une fois qu’on a une femme cheffe d’entreprise, on a une capacité de production d’états financiers, de remboursements, de gestion des ressources humaines avec beaucoup plus… avec de l’empathie et aussi la technique de, je dirais de furiosité [4], si je peux dire ainsi, parce qu’elles sont très fortes. Mais c’est vraiment viser l’excellence au travers de tous les plans, avec une organisation précise et claire.
Denise Époté, présentatrice de l’émission Et si… vous me disiez toute la vérité
Les PME dirigées par les femmes en Côte d’Ivoire ont-elles un accompagnement particulier ?
Lynda Aphing-Kouassi, directrice du cabinet Kaizène
De nos jours, oui. En Côte d’Ivoire, les PME ont beaucoup souffert, surtout les PME dirigées par des femmes parce qu’elles étaient majoritairement dans le secteur de l’agriculture et qui était, bon ben, un secteur où on se disait, naturellement le secteur de l’agriculture est rentable. Il contribue pleinement à l’essor et à la croissance économique de la Côte d’Ivoire. On n’a pas vraiment besoin de l’accompagner en tant que tel parce que naturellement il est productif. Donc ces femmes souffraient énormément d’un manque d’accompagnement parce qu’elles produisaient, sans pour autant avoir d’amélioration dans les méthodes de production et dans les méthodes de travail et les mécanismes également de travail. Aujourd’hui, on a une plus-value, les femmes ont un accompagnement financier, un accompagnement des banques et un accompagnement également de toutes les institutions internationales qui majoritairement ont mis un point d’accent ou un point d’honneur sur le développement et l’autonomisation de la femme. Donc depuis les 3 dernières années, en Côte d’Ivoire, on a vraiment un nombre grandissant d’entreprises dirigées par des femmes. Et on voit également des femmes à la tête d’instituts financiers et de banques qui naturellement comprennent un peu plus notre écosystème et favorisent le développement des femmes cheffes d’entreprise ou dirigeantes.
Denise Époté, présentatrice de l’émission Et si… vous me disiez toute la vérité
La dimension RSE [5] est aujourd’hui exigée au sein de plusieurs entreprises. C’est un défi supplémentaire pour les PME. Ont-elles les moyens de le relever ?
Lynda Aphing-Kouassi, directrice du cabinet Kaizène
Les PME de nos jours ont le moyen de relever la dimension RSE. Et c’est pour cela que je parlais tout à l’heure d’amélioration de compétences, de compréhension et surtout de changement d’état d’esprit. Si on se souvient bien, la RSE, comme la formation il y a cinq, six ans, représentait des volets peu nécessaires pour les entreprises sur notre continent et qui n’étaient vraiment pas regardés. Aujourd’hui, on se rend compte que la valeur ajoutée sociétale, économique passe par la RSE. Donc naturellement toute PME a besoin d’être accompagnée, a besoin de comprendre à quel emprunt, taux… à quel pourcentage elle contribue au développement de la RSE de la société pour pouvoir exceller. Selon moi, une entreprise qui a 60 %… qui a un regard à 60 % vers sa RSE, est une entreprise à succès.
Denise Époté, présentatrice de l’émission Et si… vous me disiez toute la vérité
Pour la majorité des pays en voie de développement, on vient de le dire, les PME sont au cœur de la croissance économique et sociale. Mais se pose également la question du secteur informel [6], vous le releviez au début de cet entretien, qui crée également des milliers d’emplois et génère des revenus en dehors de toutes statistiques. Comment régler cette question ?
Lynda Aphing-Kouassi, directrice du cabinet Kaizène
Ben vraiment la question de l’informel est un gros souci, si je peux le dire ainsi. Et pour pouvoir pallier [7] ce souci, je pense qu’il faut déjà commencer à avoir des formations adaptées pour le secteur informel et des formations adaptées pour le secteur formel. Trop souvent on associait le même type de formation pour le secteur formel et le secteur informel. On dit que c’est pas le même type de monde, si on peut le dire ainsi. Les compréhensions, les attentes, les activités sont totalement différentes. Et la langue parlée est même différente. Ce qu’on remarque par exemple en Côte d’Ivoire avec certaines institutions internationales, donc évidemment hommes et femmes qui travaillent énormément avec les femmes dans l’informel, c’est de leur montrer la plus-value, de pouvoir sortir de l’informel. Les économies qu’elles font par exemple, pour lesquelles on ne peut avoir aucune statistique, c’est de les diriger vers des institutions financières ou des banques qui ont capacité à pouvoir leur permettre de comprendre leurs épargnes, de comprendre la gestion de la petite caisse et comment est-ce qu’au quotidien, elles peuvent évoluer une fois qu’elles basculent de l’informel vers le formel. Donc tout est une question de compréhension, d’information et d’apprentissage, mais en utilisant les méthodes adaptées.
[1] Il s’agit du sigle déposé de « Petites et Moyennes Entreprises ».
[2] Le PIB est l’abréviation de « produit intérieur brut ».
[3] Le syndrome de l’imposteur est une tendance psychologique à la peur et à la remise en question, qui fait douter la personne de ses capacités.
[4] Ce terme, aujourd’hui disparu de la langue française, signifie la fureur, la rage, la colère.
[5] La « responsabilité sociale/sociétale de l’entreprise » se définit comme l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes.
[6] L’économie informelle est l’activité économique réalisée sans que l’activité fasse l’objet d’un regard ou d’une régulation de l’État, elle n’est donc ni fiscalisée ni déclarée.
[7] Cette phrase a été corrigée par rapport à ce qu'on entend dans la vidéo : « pour pouvoir pallier à ».