Sophie Ékoué, journaliste
Voilà, si vous ne connaissez pas la booty[1] therapy, eh bien ne bougez pas, restez avec nous, car sa créatrice est notre invitée. Bonsoir Maïmouna Coulibaly.
Maïmouna Coulibaly, danseuse et chorégraphe
Bonsoir Sophie Ékoué.
Sophie Ékoué, journaliste
Vous êtes danseuse-chorégraphe. Vous avez inventé ce concept il y a à peu près vingt ans. Est-ce vraiment un vrai concept ou une sorte de boutade[2] ?
Maïmouna Coulibaly, danseuse et chorégraphe
Ah non, c’est un vrai concept. C’est quelque chose que j’ai… enfin qui s’est développé depuis vingt ans, depuis que je donne des cours de danse. C’est ce que j’ai vu, le résultat qui est arrivé, enfin que ce que j’ai vu avec mes élèves. Au début, elles arrivent à mes cours, elles sont pas très bien dans leur corps, elles se cachent un petit peu. Et au fur et à mesure, à force de danser ça, elles se libèrent, elles se sentent bien et elles se lâchent. Elles sont plus sûres d’elles, elles sont plus fières d’elles et voilà, elles ont la force pour combattre la vie quotidienne, comme il faut.
Sophie Ékoué, journaliste
Alors, premier avis sur cette danse qui sollicite avec beaucoup de frénésie les fessiers…
Maïmouna Coulibaly, danseuse et chorégraphe
Oui.
Sophie Ékoué, journaliste
On se dit « c’est assez vulgaire ». Vous dites « faux ».
Maïmouna Coulibaly, danseuse et chorégraphe
Oui, oui. Alors oui, j’ai souvent eu ce reproche-là. Et pourtant, je me suis toujours battue pour dire que non, y a toujours des choses à voir… Y a quelque chose qui existe à ce niveau-là en fait, au niveau du bassin, c’est le centre des émotions. Toutes les émotions refoulées – une personne qui nous a embêtées dans la journée, ou quelque chose, un traumatisme qu’on a eu dans notre enfance – tout est stocké là au niveau du bassin. Et le fait de ne pas le bouger, eh ben ça reste. Et on n’est pas bien. Et de danser, de bouger avec le bassin, ça libère. Et ça, j’ai eu des exemples avec des comédiennes que j’ai coachées pour des films, comme dans Vénus noire[3] d’Abdellatif Kechiche, je coachais Yahima Torres qui faisait le rôle de la Vénus Hottentote[4], et donc voilà, ce résultat s’est vu à ce niveau-là.
Sophie Ékoué, journaliste
C’est une danse qui magnifie le bassin.
Maïmouna Coulibaly, danseuse et chorégraphe
C’est ça ! Alors la booty therapy en fait, j’ai repris le coupé décalé[5], le n’dombolo[6], ragga dancehall[7], kuduro[8]… Et ça magnifie le bassin, enfin, moi je vois plus… En plus que le côté esthétique, je vois plus ce que ça déclenche chez nous, enfin chez les personnes. Et c’est… enfin c’est ça qui m’intéresse le plus.
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[1] « Booty » signifie « fesses » en argot américain.
[2] Une plaisanterie, une blague
[3] Film sorti en 2009
[4]Saartjie Baartman (1788-1815) était une femme khoïsan (ethnie d’Afrique australe) réduite en esclavage et exhibée en Europe pour son fessier très développé.
[5]Genre musical et danse nés en Côte d’Ivoire dans les années 2000. Le coupé décalé trouve son origine dans deux autres genres musicaux africains : le youssoumba et le zouglou.
[6]Danse originaire de la République démocratique du Congo, dérivée de la rumba congolaise et du soukous.
[7] Danse populaire jamaïcaine née à la fin des années 1970.
[8] Genre musical originaire d’Angola. C’est un mélange de break dance, de semba (genre musical angolais) et d’électro.