Antoine Genton, présentateur de l’émission Internationales
La BERD [1] soutient des projets qui contribuent à la sauvegarde de l’environnement. Ces financements ont représenté 46 % de son investissement annuel en 2019. Est-ce que vous avez une idée du chiffre que…
Odile Renaud-Basso, présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement
… 50 %.
Antoine Genton, présentateur de l’émission Internationales
… 50 % en ?
Odile Renaud-Basso, présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement
En 2022.
Antoine Genton, présentateur de l’émission Internationales
2022. Est-ce que cette part a vocation à augmenter encore dans les années qui viennent ?
Odile Renaud-Basso, présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement
Alors cette part, pour l’instant, notre objectif est de 50 % des financements. Donc c’est un élément qui est [2] en faveur de la transition écologique et énergétique. C’est déjà un élément très important d’avoir la moitié des projets. Et il y a un élément nouveau depuis cette année qui est que tous nos projets doivent être compatibles avec l’accord de Paris. Et donc ça c’est une contrainte qui est vraiment… Il faut qu’on montre et qu’on analyse chacun des projets pour vérifier que c’est compatible avec l’objectif de l’accord de Paris. Donc c’est un élément supplémentaire qui détermine ce qu’on finance ou ce qu’on ne finance pas.
Philippe Ricard, correspondant du quotidien Le Monde
Ça veut dire quoi en fait concrètement ? Ça veut dire que vous refusez de financer des projets énergétiques dès que ce sont des énergies à forte émission de carbone par exemple, à pétrole… ou gaz ?
Odile Renaud-Basso, présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement
Alors on ne finance plus, par exemple, de projets d’exploration de gaz upstream [4]. Donc tout ce qui va être développement d’exploration de gisement de gaz, etc., exploitation de gisement de gaz. Ce qui peut par contre…
Philippe Ricard, correspondant du quotidien Le Monde
Mais de transport de gaz par exemple ?
Odile Renaud-Basso, présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement
Par contre, ce qui peut… L’accord de Paris [3], ce n’est pas forcément plus… enfin c’est d’arriver… il y a une trajectoire. On ne dit pas aujourd’hui qu’il faut être dans l’accord de Paris parce que sinon on n’aurait plus de sujet déjà. Mais c’est donc d’avoir… d’être sûr que les investissements qu’on fait sont compatibles avec cette trajectoire de réduction. Donc on va regarder, par exemple, comment ils s’inscrivent dans la stratégie du pays pour réduire et arriver à zéro émission de carbone en 2050. Alors il y a plusieurs façons de le faire. Donc il y a des éléments d’appréciation, mais on est très restrictifs dans ce qu’on fait en matière d’énergie fossile. Donc comme je vous disais, plus d’exploration. Il peut y avoir… on peut quand même financer des projets de gaz ou de… oui, de gaz par exemple, si on arrive à montrer qu’on n’aura pas des actifs qui seront inutilisables et donc il peut y avoir par exemple une conversion vers l’hydrogène vert dans un délai d’ici 2050. Qu’il peut y avoir des mécanismes de compensation. Donc c’est vraiment… on regarde ça dans une stratégie globale et pas simplement…
Philippe Ricard, correspondant du quotidien Le Monde
Vous financez des projets dans le nucléaire par exemple ? C’est possible ?
Odile Renaud-Basso, présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement
Non, alors on finance des projets de sécurité…
Philippe Ricard, correspondant du quotidien Le Monde
Étant donné les divisions européennes sur le sujet…
Odile Renaud-Basso, présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement
On ne finance pas de nouveaux projets nucléaires. On a financé des projets dans la sécurité nucléaire. On a par exemple fait le, alors c’est un cas très, très exceptionnel, mais le sarcophage de Tchernobyl. C’est la BERD qui a géré l’ensemble des fonds et qui a géré le projet.
Antoine Genton, présentateur de l’émission Internationales
Vous parliez d’hydrogène vert, Odile Renaud-Bosso. L’Union européenne va lancer cette année une banque de l’hydrogène, une structure destinée à soutenir le développement de cet hydrogène vert. C’est ce qu’a annoncé la Commission européenne il y a quelques jours. Cette banque, c’est une concurrente pour vous ou une partenaire ?
Odile Renaud-Basso, présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement
Alors ce n’est pas vraiment une banque. Ça s’appelle une banque, mais je crois que c’est plus un mécanisme de soutien à l’hydrogène vert qu’une banque.
Antoine Genton, présentateur de l’émission Internationales
En tout cas, c’est un mécanisme de financement.
Odile Renaud-Basso, présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement
C’est un… oui, mais c’est plutôt un partenaire parce qu’on travaille aussi beaucoup sur l’hydrogène vert et notamment dans nos pays d’opération qui ont des potentiels très importants de renouvelable. Par exemple, quand vous pensez au cas de l’Égypte, du Maroc, mais aussi des pays d’Asie centrale, ce sont des pays pour lesquels le renouvelable est… qui ont une capacité de renouvelable qui est extrêmement forte. Il y a des territoires de déserts importants, beaucoup de vent, beaucoup de soleil, etc. Donc, et du coup, ça donne un potentiel très important en matière d’hydrogène vert parce que pour faire de l’hydrogène vert il faut beaucoup de renouvelable. Donc c’est encore exploratoire parce que l’hydrogène vert, c’est encore coûteux, mais on développe des projets pilotes pour voir comment intégrer ça notamment via une filière phosphate importante par exemple.
[1] Fondée en 1991, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) est une organisation internationale qui finance ou cofinance des investissements facilitant le passage à une économie de marché dans les pays d’Europe centrale et orientale. Contrairement aux autres institutions financières internationales, la BERD n’intervient que dans les pays « qui s’engagent à respecter et mettent en pratique les principes de la démocratie pluraliste, du pluralisme et de l’économie de marché, à favoriser la transition de leurs économies vers des économies de marché et à promouvoir l’initiative privée et l’esprit d’entreprise ». (D’après Wikipédia)
[2] Dans l’interview, Odile Renaud-Basso prononce « soit ».
[3] L’accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015 à l’issue des négociations de la COP21, est un accord universel pour lutter contre le changement climatique. Il rassemble pour la première fois 196 Nations dans une cause commune en fonction de leurs responsabilités historiques, actuelles et futures.
[4] Dans le secteur de l’industrie, « upstream » concerne les activités d’exploration et d’extraction d’énergies fossiles (gaz, pétrole).