Intelligence artificielle : où en est-on ?

Disponible jusqu'au 25/06/2025 - 23:59Disponible jusqu'au 25/06/2025
Les algorithmes, c’est quoi ? Où les retrouve-t-on ? Faut-il en avoir peur ?
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    Alors que la Chine applique sans états d’âme l’intelligence artificielle à tous les domaines et que les États-Unis financent activement la recherche, qu’en est-il de l’Europe ? Où en est-on ? Faut-il vraiment craindre une extension de l’application des algorithmes ?
    Chaîne d'origine
    TV5MONDE
    - Modifié le
    13/12/2021
    Dominique Laresche, présentatrice
    Aurélie Jean, des jugements rendus par des humanoïdes dans un pays les citoyens peuvent désormais être notés en fonction de leurs bons ou mauvais gestes ou de leur bon ou mauvais compte bancaire. On appelle ça le crédit social. La Chine est vraiment le pays qui est en pointe de l’application, de la mise en application de l’intelligence artificielle. Est-ce que ça, c’est pas une source d’inquiétude dans la mesure où, finalement, l’intelligence artificielle, elle va être un peu, en tout cas, une intelligence artificielle un peu loin de la question des droits de l’Homme notamment ou des libertés individuelles, des protections des données personnelles ? 
    Aurélie Jean, docteure en sciences et entrepreneuse
    Bien sûr ! Alors, c’est marrant, parce que moi je vois la Chine comme le plus grand laboratoire d’expérimentation mondiale sur l’IA, c’est-à-dire qu’ils font des choses que personne d’autre ne fait. Ils appliquent sur des sujets. Et donc moi, je regarde toujours, j’observe, j’analyse et du coup, ça force tous les autres pays à se poser des questions, et du coup à mieux se préparer. Concernant la justice, moi je suis très dérangée par ça, parce qu’il suffit de parler avec un juge pour comprendre que la justice n’est pas qu’un ensemble de textes, mais c’est aussi de l’interprétation, de la compréhension du cas, de l’histoire de la victime et l’histoire de l’accusé, des choses comme ça. Et je conseille aux gens, enfin, de lire Beccaria sur la hiérarchisation des peines pour juste comprendre, en fait, que la justice ne doit pas être systématique. Donc, voilà. Moi, je trouve ça inquiétant dans le cas de la Chine, mais je ne pense pas que cela arrivera chez nous. Je pense qu’au contraire ça va nous forcer à réfléchir à ça. Ça ne veut pas dire de ne pas du tout utiliser d’IA. Ça veut dire que si on l’utilise, on l’utilise dans des cas précis et peut-être à des fins particulières. Voilà. Très simplement. 
    Alain Salles, présentateur
    Je sais pas si les juges chinois lisent beaucoup Beccaria, mais c’est vrai que ça correspond à certains types de justice dans un pays autoritaire et qu’on peut peut-être le remplacer par un robot. 
    Dominique Laresche, présentatrice
    les citoyens acceptent très bien l’intelligence artificielle. 
    Aurélie Jean, docteure en sciences et entrepreneuse
    Tout fait, c’est très intéressant ce que vous dites, parce que ça reflète peut-être, quelque part, la justice qui était déjà présente de cette façon dans ce pays. C’est très intéressant. Donc, ce serait culturel en fait.
    Alain Salles, présentateur
    Mais justement, voir au fond que la Chine est un laboratoire et que l’intelligence artificielle soit en test grandeur nature dans un pays qui est une dictature, est-ce que c’est pas inquiétant ? 
    Aurélie Jean, docteure en sciences et entrepreneuse
    Si.
    Alain Salles, présentateur
    Pour la généralisation de l’application de l’intelligence artificielle ailleurs ?
    Aurélie Jean, docteure en sciences et entrepreneuse
    Si, si, vous avez raison, c’est inquiétant. Mais encore une fois, je pense pas que ça va traverser la frontière, vraiment. Après, c’est qu’est-ce que ces pays vont faire de ces technologiques ? Voilà, qu’est-ce qu’ils vont en tirer ? Après, vous savez, il suffit de regarder ce qui s’est passé à Hong Kong. C’est-à-dire que je pense que les gens, une fois qu’ils auront compris comment ça fonctionne et qu’est-ce que ça veut dire pour eux, pour leurs libertés, peut-être qu’il va y avoir un acte de rébellion individuel et collectif et qui peut amener, en fait, à des choses comme ce qui se passe à Hong Kong. Mais en tout cas, il faut pas se refermer sur soi-même, c’est-à-dire que je pense qu’il faut aller parler avec ce pays, parler avec les gens, alors, voilà. 
    Dominique Laresche, présentatrice
    La Chine est une des championnes en matière d’application, on va dire de développement de l’intelligence artificielle. Les États-Unis sont les champions en matière de recherche, donc on peut dire qu’États-Unis–Chine sont les deux maîtres de l’IA. Qu’est-ce qu’elle fait l’Europe pendant tout ce temps ? 
    Aurélie Jean, docteure en sciences et entrepreneuse
    Ben l’Europe, elle est… 
    Dominique Laresche, présentatrice
    est l’Europe ?
    Aurélie Jean, docteure en sciences et entrepreneuse
    C’est vrai que si on compare les budgets… Alors, l’Europe, elle est présente. C’est intéressant que vous disiez ça, parce qu’il y a énormément d’Européens. On prend le cas de la France par exemple, moi je pense qu’il faut toujours parler de l’Europe, c’est important. La France, il y a plein de Français à travers le monde qui travaillent dans l’IA et qui redonnent à leur pays, d’une manière ou d’une autre, qui collaborent avec des services français, donc il faut quand même s’en rendre compte. Yann Le Cun, Grégory Renard, plein, mais c’est impressionnant ! Je ne sais plus s’il est toujours actuellement, par exemple l’ancien directeur du département de sciences informatiques de Carnegie Mellon en Pennsylvanie, qui est le plus gros département de sciences informatiques des États-Unis, est français. La France est présente à travers le monde et elle redonne à la France. Cela étant dit, c’est vrai que les budgets sont pas les mêmes et ça, c’est un gros point d’interrogation. Voilà. Et aussi un point, alors aussi la France n’est pas… L’Europe, moi je ne suis pas pessimiste, c’est-à-dire que l’Europe a des choses à faire, que ce soit dans la recherche, mais aussi dans la réflexion autour de l’applicabilité de ces outils et le RGPD en est un exemple. Et la preuve, c’est que les États-Unis regardent le RGPD, se posent des questions. Moi, j’étais à Bloomberg quand le RGPD était en réflexion et on se préparait à Bloomberg à avoir le RGPD parce que, vu qu’on travaillait sur le territoire européen aussi, on devait avoir des outils qui étaient en conformité avec le RGPD, donc c’était assez passionnant, et du coup, on réfléchissait en interne à savoir est-ce que ce n’est pas ça qu’il faut faire en fait ? Voilà ! Donc, je pense que cela va bouger, après, en termes de recherche, le seul point, voilà, qui me fait un petit peu peur, c’est les budgets. Voilà. On ne met pas assez d’argent et aussi, un point, j’en avais parlé récemment dans un article dans Le Point, c’est qu’aux États-Unis, vous avez des grandes fortunes qui donnent beaucoup d’argent dans la recherche pour l’IA. Par exemple, Schwarzman qui est le PDG de Blackstone qui avait donné 350 millions de dollars, je crois, au centre d’IA du MIT, qui récoltait en tout un milliard de dollars. On voit pas beaucoup de fortunes françaises mettre de l’argent dans l’IA, dans la recherche pour l’IA, et ça, c’est une question que je me pose parce que : Pourquoi ? Et ce ne sont pas des personnes qui…, parce qu’elles donnent de l’argent pour plein d’autres choses, pour la médecine, pour… Et je pense qu’il y a peut-être un manque d’appréciation de, enfin, ils ne se rendent peut-être pas compte de l’impact de l’IA pour la société.
    Dominique Laresche, présentatrice
    Ce n’est pas prestigieux, non plus l’IA pour l’instant, peut-être que c’est une question de prestige. 
    Aurélie Jean, docteure en sciences et entrepreneuse
    Peut-être que nos grosses fortunes le voient sous un prisme déformant. Alors voilà, si elles écoutent aujourd’hui, je leur conseille alors d’aller mettre de l’argent dans la recherche pour l’IA, parce que c’est un différentiateur économique et sociétal fort pour l’Europe.
    Dominique Laresche, présentatrice
    Et vous, à titre personnel, pourquoi être partie vous installer aux États-Unis ?
    Aurélie Jean, docteure en sciences et entrepreneuse
    Alors moi, je suis partie en 2009 après ma thèse parce qu’en fait…, c’est marrant, parce que les gens disent beaucoup que les gens partent à cause de l’argent. 
    Dominique Laresche, présentatrice
    L’exode des chercheurs français.
    Aurélie Jean, docteure en sciences et entrepreneuse
    Ce n’est pas vrai, on ne part pas à cause de l’argent, je peux vous l’assurer. On part, en fait, pour aller chercher une autre manière de travailler, ce qui était mon cas. C’est-à-dire, vous savez, j’avais 26 ans, donc on est un peu jeune, on ne sait pas trop, enfin l’argent n’est pas sa priorité, je vais être honnête, surtout quand on sort de thèse et qu’on n’a pas forcément gagné beaucoup pendant trois, quatre ans, mais moi, c’était vraiment une question de liberté parce qu’il y a une grosse différence sur la manière dont la recherche fonctionne en France et aux États-Unis. Il y a des inconvénients et des avantages des deux côtés, mais c’est vrai qu’aux États-Unis il y a une liberté lorsqu’on est chercheur, quand on est jeune chercheur, j’insiste sur jeune chercheur, sur les sujets sur lesquels on travaille, sur comment on organise notre équipe, sur l’argent qu’on gagne pour ces travaux de recherche, il y a une grande liberté qu’on n’a peut-être moins en France. Moi, en tout cas, c’est ça qui m’a fait partir.
    Dominique Laresche, présentatrice
    Et pourquoi vous ne revenez pas ?
    Aurélie Jean, docteure en sciences et entrepreneuse
    Alors maintenant, je vis entre les deux pays, voilà. Et je le dis d’autant plus parce que les gens parlent de fuite des cerveaux, et j’essaie de voir le verre à moitié plein. Étant Américaine de culture aussi, donc, je dis qu’on a un rayonnement à l’international de nos talents et vraiment, j’insiste parce que moi, je rencontre plein de Français à l’étranger, enfin surtout aux États-Unis, et au Canada, des gens qui redonnent à la France, je vous assure, par des collaborations avec des ministères, avec des entreprises, avec des PME, avec des grands groupes, bref, et ça il faut en parler en fait. Et voilà. 
    Alain Salles, présentateur
    Et pendant 10 ans, enfin ces dix dernières années, on a vu les États-Unis et la Chine développer l’intelligence artificielle. L’Europe beaucoup moins, comme on le disait tout à l’heure. 
    Dominique Laresche, présentatrice
    L’Union européenne.
    Alain Salles, présentateur
    L’Union européenne. Et là, vous le dites encore, mais les budgets sont toujours insuffisants, est-ce qu’on aura, est-ce qu’on peut encore rattraper ce retard ?
    Aurélie Jean, docteure en sciences et entrepreneuse
    Moi, je pense que oui, parce que sinon, c’est triste de se dire que c’est pas possible. Donc oui, moi, je pense que c’est possible. Mais, il va falloir peut-être diversifier les sources de financement. C’est pour ça que je pense aussi à des financements privés. Par exemple, moi, j’ai travaillé, mes deux premières années de recherche aux États-Unis étaient financées la moitié par le centre national de recherche américain, qui est l’équivalent de l’ANR chez nous, et l’autre moitié, c’était par un fonds privé de donateurs privés qui finançait la recherche sur le cœur. Voilà. Donc, il faut davantage essayer d’attirer de l’argent aussi des fonds privés, des donateurs.