Le contexte Bienvenue sur Géopolitis.
Ça se fait déjà, dans le secteur des transports, dans l’énergie, dans les milieux audiovisuels, parfois même, dans le domaine de la justice et des prisons, c’est la privatisation. Remède miracle pour les uns, gâchis économique et politique pour les autres, en tout cas, c’est l’une des données de cette mondialisation qui s’étend dans toutes les directions. Toutes, oui, car voici que l’on privatise la guerre !
Depuis 10 ans, on voit se multiplier les sociétés militaires privées. Le soldat au service du public est remplacé progressivement par un contractuel au service du privé. Exemple : l’Irak.
C’est bien l’Irak qui a mobilisé un temps près de 160'000 GI. Or, à un moment donné, il y avait en Irak plus de privés, de contractuels, « contractors » en anglais, que de soldats américains, britanniques, italiens ou espagnols. Tout le monde a entendu parler de Blackwater, l’armée privée la plus puissante du monde. Blackwater qui, à elle seule, en raison de ses actions irresponsables a réussi à jeter l’opprobre sur toute une profession.
Géopolitis décrypte le monde de ces SMP : Sociétés militaires privées, qui totalisent un chiffre d’affaires de 100 milliards de dollars par an.
Avant, on parlait de mercenaires : des anciens soldats qui se vendaient au plus offrant. C’était l’une des spécialités de l’Afrique du Sud des années de l’Apartheid avec un organisme qui s’appelait Executive Outcomes et qui fournissait de la main-d'œuvre dans tous les coins du monde où l’on avait besoin d’hommes armés, sans foi ni loi, disait-on. Tout récemment, c’est bien à des milliers de mercenaires étrangers que le colonel Kadhafi a fait appel pour tirer, à balles réelles, sur son peuple.
Cela dit, le marché a bien évolué ces dernières années. Il s’est développé, structuré, diversifié avec une recherche constante de respectabilité. En Grande-Bretagne, il y a 20 ans, une société comme Sonline International a débuté en offrant toute une gamme de services, de l’entraînement de soldats à la sécurité de hautes personnalités. Sachez que Londres, actuellement, délègue systématiquement à des SMP la sécurité de ses ambassades et consulats dans les pays à risque.
Au Libéria, lorsqu’il s’est agi d’arrêter l’ancien président et criminel de guerre, Charles Taylor, les Américains avaient offert une prime de 2 millions de dollars à ceux qui pourraient faire le travail. La société britannique Northbridge Services s’y est intéressée.
En Amérique centrale, c’est une SMP américaine Deen Core qui a été engagée par Washington pour procéder à la destruction des champs de coca dans le cadre du plan antidrogue lancé par les États-Unis.
La guerre en Irak aura été le révélateur de l’existence et parfois de l’arrogance de certaines de ces SMP, Blackwater, déjà nommée qui avait la fâcheuse habitude d’ouvrir le feu sur des civils désarmés sans que, en tout cas dans les premières années, aucune enquête n’ait jamais été ouverte et aucun meurtre sanctionné.
L’autre guerre, en Afghanistan, pour sa part est le théâtre d’opérations de centaines de SMP sous contrat avec les gouvernements, voire même, avec les plus hauts dirigeants de l’Afghanistan. Par exemple, la sécurité du président Afghan Amenin Karzai a été, un temps, l’exclusivité d’une société américaine. La sécurité de l’ambassadeur américain également.
Qui fera le ménage dans tous ces contrats, dans toutes ces sociétés ? La Suisse se positionne et elle a déjà marqué des points très importants.
Le reportage Blackwater : le mauvais exemple ?Blackwater, pour les Irakiens ce nom est le symbole même de ce qu’ils appellent l’occupation américaine. Dans le meilleur des cas, on surnomme ces contractors des contractuels, des cowboys, dans le pire des cas, on les traite d’assassins et on se révolte à l’idée que ces gens-là sont couverts par une immunité quasi totale. À vrai dire, on ne connaissait guère ni le nom de cette société, ni encore moins l’étendue de ses activités avant l’année 2004, lorsque 4 de ses membres ont été massacrés dans la ville de Falluja. Autre massacre, perpétré celui-là par des agents de Blackwater, sur la place Nissour à Bagdad, en septembre 2007, les agents ont ouvert le feu sans raison, sur la foule : 17 morts, 20 blessés. Une exaction parmi d’autres, qui a valu au responsable de la société une comparution devant le Congrès américain. Une audition qui devait résonner comme le premier procès de cette externalisation massive des opérations militaires américaines au profit de sociétés privées.
En 2007, le Congrès américain a finalement révisé le code de justice militaire. Désormais, les contractors comme on les appelle, sont soumis à la juridiction de la cour martiale, s’ils sont impliqués dans des activités délictuelles ou criminelles. Il y a deux ans, la CIA a signé un nouveau contrat avec la société Blackwater rebaptisée depuis Xe Services. Il s’agit, ni plus ni moins, de traquer et d’éliminer les hauts responsables d’Al-Qaïda.
Un code de conduite ? Que propose la Suisse ?On l’appelle le document de Montreux. C’était en 2008, sur les bords du lac Léman, sous l’égide de la Suisse et du Comité International de la Croix rouge, le CICR, 17 États s’étaient mis d’accord sur deux points. Un, contrôler d’avantage les activités de ces sociétés militaires privées et deux, s’assurer que ces SMP s’astreindraient à respecter le droit humanitaire international.
La Suisse, il faut le savoir, attire de nombreuses sociétés de ce genre, comme la britannique AEGIS à Bâle, AEGIS qui emploie quelque 20’000 personnes dans le monde. À ce document de Montreux qui était une première étape, est venu s’ajouter, toujours sous contrôle de la Suisse, un document qui se veut être un code de conduite. C’était en novembre dernier, à Genève, 60 parmi les plus grandes compagnies du monde ont signé ce document. Les plus optimistes disent que cela vaut engagement, que cela va moraliser la profession. Les plus pessimistes ou pragmatiques estiment que cet engagement est purement théorique, qu’il n’y a aucune juridiction à même de vérifier et de sanctionner tout manquement à ce code. À présent, la Suisse entend aller plus loin et adopter un texte qui sera contraignant et obligera ces sociétés basées en Suisse à renoncer à toutes leurs activités liées à des combats ou à des violences visant à renverser un régime en place. Verdict au début de l’automne.
Privatiser la guerre ? Pour quels bénéfices ?C’est le montant le plus communément avancé : 100 milliards de dollars, ce serait donc le chiffre d’affaires annuel des SMP, une large moitié concerne les États-Unis. Le Pentagone prévoit de privatiser 237'000 postes dans le secteur de la logistique et du soutien. Avant le 11 septembre, la proportion d’agents contractuels privés travaillant pour le Pentagone était de 26 % ; il dépasserait actuellement les 50 %. Washington serait sur le point de faire en sorte de renverser quelque peu la tendance. Ce n’est pas une mince affaire, on estime que près de 8 % des emplois dans la capitale fédérale sont liés à des contrats de sociétés privées avec le Pentagone. Cela représente 291'000 postes de travail rien qu’à Washington. Un exemple de l’omniprésence et de la puissance et de ce que le président américain Eisenhower appelait déjà le complexe militaro-industr