Voix off
Une sculpture jardin refusée par l’Arabie saoudite que Ghada Amer a finalement plantée à Marseille, face au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.
Ghada Amer, artiste
Ça dit « La voix de la femme est une révolution ». C’est un slogan que les féministes de la Ligue arabe ont inventé en fait et ça joue sur un adage qui dit que la voix de la femme est une source de honte. Et en changeant une seule lettre, là, on peut… on va dire « la voix de la femme est une révolution ». C’est cette-là, comme ça, avec ces trois points. Ça, c’est un « th », « thawra ». Ça veut dire « révolution ». Et si on met une autre lettre, que c’est un « aa », « aawra » ça devient « honte ».
Voix off
Féministe, c’est la seule étiquette que tolère cette artiste. Née en Égypte, élevée en France et vivant aujourd’hui aux États-Unis. Ghada Amer qui œuvre depuis plusieurs décennies à rendre visibles et désirables les femmes dans l’histoire de l’art.
Hélia Paukner, co-commissaire de l’exposition
Ce qui est au fondement de l’énergie créatrice de Ghada Amer, c’est de la colère. Une colère face à toutes formes de discriminations, pas seulement dans le monde arabe. En France aussi, elle a connu des discriminations sexistes.
Voix off
La France où elle se voit refuser, dans les années 1980, l’accès aux cours de peinture.
Ghada Amer, artiste
Pourquoi ? Je ne sais pas pourquoi. Moi, je voulais faire de la peinture, et j’étais très très touchée par cette réalisation qu’il n’y avait pas de femme. Et ça, ça m’a vraiment… Ça m’a permis de réfléchir.
Voix off
Réfléchir, se rebeller et tisser son propre langage en brodant ses tableaux.
Ghada Amer, artiste
J’ai décidé que la peinture était masculine, donc j’allais prendre un médium féminin, qu’on trouve dans toutes les familles.
Voix off
Derrière les fils, des femmes mutines, fières et fortes. Des femmes libres de choisir leur propre chemin, l’une des revendications majeures de l’artiste, à travers ses tableaux, sculptures et installations.
Ghada Amer, artiste
Dans les années 1990, quand j’allais en Égypte souvent, je voyais de plus en plus de femmes voilées. Et j’avais très peur qu’à un moment donné, on me force à mettre la burqa. Donc j’ai fait ma propre burqa. Et donc j’ai fait avec la dentelle de Bayeux, et j’ai écrit la définition du mot « peur ». Là où on respire, où on parle.
Voix off
Une artiste aujourd’hui apaisée, grâce à la sculpture qu’elle pratique assidûment. Un riche parcours artistique, exposé aussi à la chapelle de la Vieille Charité1, où ses figures féminines et sensuelles se déploient en très grand format.
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1 Le Centre de la Vieille Charité regroupe plusieurs structures multiculturelles à Marseille (notamment des musées, des associations et une école) et propose des expositions temporaires et des activités tout au long de l'année.