Valérie Tibet, présentatrice de l’émission 7 jours sur la planète
Alors, je vais vous demander ce que vous inspire finalement ce mode de démocratie participative pour un projet qui est extrêmement sensible. Est-ce que ça vous paraît être la bonne méthode ?
Marie de Hennezel, psychologue et psychanalyste
En soi, c’est une méthode séduisante, évidemment, mais moi j’ai peur que ce soit un peu de la poudre aux yeux. Parce ce que nous venons d’apprendre aussi qu’ensuite il y aura un débat parlementaire sur le rapport remis par ces citoyens qui auront écouté des experts. Mais celui qui va diriger cette commission parlementaire, c’est quand même Olivier Falorni qui est à l’origine du projet de loi sur l’euthanasie et le suicide assisté. Donc moi, j’ai un peu peur que tout soit plié d’avance.
Valérie Tibet, présentatrice de l’émission 7 jours sur la planète
Alors quelle est votre posture, à vous qui êtes l’une des spécialistes, je dirais du vieillissement, de la fin de vie et de la mort ?
Marie de Hennezel, psychologue et psychanalyste
Alors je suis évidemment pour le développement des soins palliatifs, qui malheureusement, n’ont pas été développés comme ils auraient dû. Il y a 26 départements qui n’ont pas d’unité de soins palliatifs. Je suis pour la formation des médecins au traitement de la douleur. Vous savez que, selon les facultés, vous avez des médecins qui ont reçu 2 heures et d’autres 40 heures. Il est sûr qu’aujourd’hui, il y a des médecins qui ne savent pas traiter la douleur. C’est une vraie spécialité. Donc il y a beaucoup à faire à ce niveau-là. Et je suis personnellement opposée à une loi qui garantirait le droit de choisir le moment de sa mort. Parce que c’est de ça dont il s’agit. Et parce que cette liberté de choisir le moment de sa mort, il y a en fait très peu de gens…, le pourcentage est assez petit en France. La plupart des gens, ce qu’ils veulent, c’est mourir dans des bonnes conditions.
Valérie Tibet, présentatrice de l’émission 7 jours sur la planète
C’est-à-dire mourir chez eux ? Ça, c’est l’idéal.
Marie de Hennezel, psychologue et psychanalyste
Oui, mais ce que je voulais dire, c’est que si nous votions une loi qui finalement changerait le Code pénal, qui supprimerait l’interdit de tuer, à ce moment-là, nous entrerions dans un autre monde. Et je me souviens que François Mitterrand et Robert Badinter m’avaient mise en garde il y a presque 30 ans sur ce qu’impliquerait la suppression dans le Code pénal de l’interdit de tuer. Nous sommes en démocratie, et en démocratie, on ne tue pas. On ne tue pas les criminels. On ne tue pas les personnes âgées qui ne sont plus utiles dans la société. Voilà, on ne tue pas. Je crains beaucoup les dérives qui arriveront un jour ou l’autre.
Valérie Tibet, présentatrice de l’émission 7 jours sur la planète
Ce que vous dites, c’est qu’il faut qu’il y ait des garde-fous.
Marie de Hennezel, psychologue et psychanalyste
C’est un garde-fou parce que c’est un très mauvais signal envoyé aux gens. Des gens qui se sentent inutiles, qui se sentent honteux de vieillir, des gens qui se demandent quelle est leur place dans la société. Vous voyez, ils se disent : « un jour, on fera pression sur nous pour que nous demandions la mort comme un geste citoyen. » C’est ça que j’entends.
Valérie Tibet, présentatrice de l’émission 7 jours sur la planète
Qui pourrait faire pression ?
Marie de Hennezel, psychologue et psychanalyste
Mais les familles. Peut-être d’autres dans la société. Je veux dire, vous savez sur le plan économique…
Valérie Tibet, présentatrice de l’émission 7 jours sur la planète
Voilà, en fait, le problème, il est également économique. C’est-à-dire que l’euthanasie coûte moins cher que les soins palliatifs.
Marie de Hennezel, psychologue et psychanalyste
Bien sûr. Le développement des soins palliatifs, ça a un coût. Une injection létale, ça ne coûte rien. Donc, pour moi, la question, elle est financière. Les choix qui ont été faits à Bercy, n’ont pas été faits dans le sens, vraiment, d’un vieillir digne, d’abord.
Valérie Tibet, présentatrice de l’émission 7 jours sur la planète
C’est pour ça que le plan Grand Âge a été abandonné selon vous ?
Marie de Hennezel, psychologue et psychanalyste
L’abandon de la loi Grand Âge qui est financier, pour des raisons financières effectivement, c’est un très mauvais signal. C’était quand même…, cette loi avait pour but de permettre un vieillir digne. Les personnes âgées, aujourd’hui, craignent justement d’être abandonnées et qu’on fasse pression sur elles pour pouvoir demander la mort.