Faut-il légiférer sur l’euthanasie ?

Disponible jusqu'au 09/02/2028 - 23:59Disponible jusqu'au 09/02/2028

La France se penche sur ce sujet via une consultation citoyenne.

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    Certaines images peuvent heurter la sensibilité.

    Alors que l’euthanasie et le suicide assisté sont autorisés dans plusieurs pays d’Europe, la France s’interroge à ce propos et consulte ses citoyens. C’est pourquoi, le 10 décembre 2022, sur le plateau de 7 jours sur la planète, Valérie Tibet reçoit Marie de Hennezel, spécialiste de la question du vieillissement et de la fin de vie. Quel est son avis sur le droit à choisir le moment et la modalité de sa propre mort ?

    Chaîne d'origine
    TV5MONDE
    - Modifié le
    01/11/2023
    Valérie Tibet, présentatrice de l’émission 7 jours sur la planète
    Alors, je vais vous demander ce que vous inspire finalement ce mode de démocratie participative pour un projet qui est extrêmement sensible. Est-ce que ça vous paraît être la bonne méthode ?
    Marie de Hennezel, psychologue et psychanalyste
    En soi, c’est une méthode séduisante, évidemment, mais moi j’ai peur que ce soit un peu de la poudre aux yeux. Parce ce que nous venons d’apprendre aussi qu’ensuite il y aura un débat parlementaire sur le rapport remis par ces citoyens qui auront écouté des experts. Mais celui qui va diriger cette commission parlementaire, c’est quand même Olivier Falorni [1] qui est à l’origine du projet de loi sur l’euthanasie et le suicide assisté. Donc moi, j’ai un peu peur que tout soit plié d’avance.
    Valérie Tibet, présentatrice de l’émission 7 jours sur la planète
    Alors quelle est votre posture, à vous qui êtes l’une des spécialistes, je dirais du vieillissement, de la fin de vie et de la mort ?
    Marie de Hennezel, psychologue et psychanalyste
    Alors je suis évidemment pour le développement des soins palliatifs, qui malheureusement, n’ont pas été développés comme ils auraient dû. Il y a 26 départements qui n’ont pas d’unité de soins palliatifs. Je suis pour la formation des médecins au traitement de la douleur. Vous savez que, selon les facultés, vous avez des médecins qui ont reçu 2 heures et d’autres 40 heures. Il est sûr qu’aujourd’hui, il y a des médecins qui ne savent pas traiter la douleur. C’est une vraie spécialité. Donc il y a beaucoup à faire à ce niveau-là. Et je suis personnellement opposée à une loi qui garantirait le droit de choisir le moment de sa mort. Parce que c’est de ça dont il s’agit. Et parce que cette liberté de choisir le moment de sa mort, il y a en fait très peu de gens…, le pourcentage est assez petit en France. La plupart des gens, ce qu’ils veulent, c’est mourir dans des bonnes conditions.
    Valérie Tibet, présentatrice de l’émission 7 jours sur la planète
    C’est-à-dire mourir chez eux ? Ça, c’est l’idéal.
    Marie de Hennezel, psychologue et psychanalyste
    Oui, mais ce que je voulais dire, c’est que si nous votions une loi qui finalement changerait le Code pénal, qui supprimerait l’interdit de tuer, à ce moment-là, nous entrerions dans un autre monde [2]. Et je me souviens que François Mitterrand [3] et Robert Badinter [4] m’avaient mise en garde [5] il y a presque 30 ans sur ce qu’impliquerait la suppression dans le Code pénal de l’interdit de tuer. Nous sommes en démocratie, et en démocratie, on ne tue pas. On ne tue pas les criminels. On ne tue pas les personnes âgées qui ne sont plus utiles dans la société. Voilà, on ne tue pas. Je crains beaucoup les dérives qui arriveront un jour ou l’autre.
    Valérie Tibet, présentatrice de l’émission 7 jours sur la planète
    Ce que vous dites, c’est qu’il faut qu’il y ait des garde-fous.
    Marie de Hennezel, psychologue et psychanalyste
    C’est un garde-fou parce que c’est un très mauvais signal envoyé aux gens. Des gens qui se sentent inutiles, qui se sentent honteux de vieillir, des gens qui se demandent quelle est leur place dans la société. Vous voyez, ils se disent : « un jour, on fera pression sur nous pour que nous demandions la mort comme un geste citoyen. » C’est ça que j’entends.
    Valérie Tibet, présentatrice de l’émission 7 jours sur la planète
    Qui pourrait faire pression ?
    Marie de Hennezel, psychologue et psychanalyste
    Mais les familles. Peut-être d’autres dans la société. Je veux dire, vous savez sur le plan économique…
    Valérie Tibet, présentatrice de l’émission 7 jours sur la planète
    Voilà, en fait, le problème, il est également économique. C’est-à-dire que l’euthanasie coûte moins cher que les soins palliatifs.
    Marie de Hennezel, psychologue et psychanalyste
    Bien sûr. Le développement des soins palliatifs, ça a un coût. Une injection létale, ça ne coûte rien. Donc, pour moi, la question, elle est financière. Les choix qui ont été faits à Bercy, n’ont pas été faits dans le sens, vraiment, d’un vieillir digne, d’abord.
    Valérie Tibet, présentatrice de l’émission 7 jours sur la planète
    C’est pour ça que le plan Grand Âge [6] a été abandonné selon vous ?
    Marie de Hennezel, psychologue et psychanalyste
    L’abandon de la loi Grand Âge qui est financier, pour des raisons financières effectivement, c’est un très mauvais signal. C’était quand même…, cette loi avait pour but de permettre un vieillir digne. Les personnes âgées, aujourd’hui, craignent justement d’être abandonnées et qu’on fasse pression sur elles pour pouvoir demander la mort. 
     

    [1] Homme politique de gauche, député de la Charente-Maritime, auteur en 2017 d’une proposition de loi donnant le droit à une fin de vie libre et choisie, il a été nommé président de la mission d’évaluation de la loi « Claeys-Leonetti », le 29 novembre 2022.

    [2] Dans la dernière partie de la phrase, on entend « nous entrons dans un autre monde ».

    [3] Homme d’État socialiste, ancien président de la République française, de 1981 à 1995.

    [4] Homme politique, juriste et essayiste français, fervent défenseur de l’abolition de la peine de mort, ministre de la Justice de 1981 à 1986.

    [5] On entend : « m’avaient mis en garde ».

    [6] Annoncé en 2018, abandonné en 2021, le Plan Grand Âge visait à créer plus de places en établissement et d'encadrement (augmentation des effectifs de personnels soignants, amélioration des taux d'encadrement). Il prévoyait parallèlement de développer l’offre de services de soins infirmiers à domicile, de structures d’accueil de jour et d’hébergement temporaire pour offrir des solutions de répit aux aidants.

     


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