Canada : un effort de remilitarisation

Disponible jusqu'au 22/10/2034 - 23:59Disponible jusqu'au 22/10/2034

L’armée canadienne fait aujourd’hui face à de nombreux défis et peine à les concilier.

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Élaborer une proposition de modèle de conscription.

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    « Si tu veux la paix, prépare la guerre ». Dans un contexte de tension mondiale,  le Canada a-t-il les moyens de remilitariser son territoire ? Pour en parler, Dominique Laresche a reçu le 17 avril 2024 sur le plateau d’Objectif Monde, Valérie Gamache, journaliste correspondante parlementaire à Radio Canada, et Peer de Jong, ancien colonel et vice-président de l’Institut Thémiis.

    Chaîne d'origine
    TV5MONDE
    - Modifié le
    22/10/2024
    Dominique Laresche, journaliste TV5MONDE
    Alors Valérie, à bien regarder votre reportage, on a l’impression que l’armée canadienne ne sait plus vraiment bien si le défi climatique ou la défense du Canada est sa priorité. Il y a comme une dichotomie de ses objectifs, non ?
    Valérie Gamache, journaliste correspondante parlementaire à Radio Canada
    En fait, on lesait, le rôle d’une armée, essentiellement, c’est d’être prêteà se défendre contre un ennemi. Cependant, dans le cas du Canada, on a l’impression que cet ennemi-là, eh bien, il fluctue dépendamment de l’opinion publique et la façon donc de le combattre fluctue aussi en fonction des moyens qu’on donne à cette armée-là. Il y a eu plusieurs transformations dans l’armée, dans les années 1990, puis on en parlait dans le reportage, vraiment, pour recruter donc des militaires on misait beaucoup sur ces missions de paix, sur ces Casques bleus3. Les gens avaient l’impression que l’armée canadienne c’était une armée qui faisait la paix et qui ne faisait pas la guerre. Est arrivée ensuite la mission en Afghanistan évidemment la lutte contre le terrorisme est devenue une priorité. Et ça a été un réveil brutal pour l’armée canadienne parce qu’elle s’est retrouvée dans cette mission-là un peu mal préparée, sans les équipements nécessaires. Et à ce moment-là, il y a eu effectivement un réinvestissement ponctuel pour faire en sorte que l’armée soit capable donc d’être déployée là-bas et d’effectuer sa mission. On se retrouve aujourd’hui avec une armée qui parallèlement à tout ça, a été entachée par des scandales, notamment sexuels, impliquant des hauts gradés4. Donc une armée qui doit d’une part redorer son image et retrouver aussi une mission qui lui est propre. On se retrouve à faire ça sans nécessairement avoir des salaires compétitifs à offrir à ces recrues-là, en n’ayant pas nécessairement le milieu de travail exemplaire non plus à leur procurer et puis également, sans nécessairement leur fournir les équipements à la fine pointe de la technologie. Alors qu’est-ce qu’on fait dans ce temps-là ? Et bien on se cherche peut-être une mission qui va faire en sorte que les gens auront envie de s’impliquer. Le Canada est le pays… un des pays dans le monde le climat se réchauffe le plus rapidement. On a été frappés par, donc, des vagues de feux de forêt, des inondations. Et donc, il y a cette idée que… d’impliquer l’armée dans les opérations auprès des communautés, et bien ça remplit deux fonctions, c’est-à-dire que ça redore l’image des troupes, mais en même temps, c’est une mission que l’armée a les moyens de faire. Alors c’est pas tant une dichotomie que peut-être un passage obligé pour l’armée canadienne. Les plus optimistes, eux, diront qu’il s’agit d’une occasion à saisir.
    Dominique Laresche, journaliste TV5MONDE
    Alors Valérie Gamache, le chef d’état-major de l’armée canadienne a lancé l’alerte avant de partir à la retraite. Parallèlement, il y a le numéro deux de l’OTAN5qui a demandé au Canada d’être en capacité de défendre, deprotéger l’Arctique qui suscite beaucoup de convoitises. Est-ce qu’il y a des raisons de s’inquiéter de l’état de l’armée canadienne ?
    Valérie Gamache, journaliste correspondante parlementaire à Radio Canada
    Bah oui parce que, on parlait du recrutement, actuellement il manque 16 000 militaires dans l’armée canadienne, 8 000 dans l’armée régulière, autant chez les réservistes. La moitié de l’équipement de l’armée actuellement est soit indisponible ou de toute façon inutilisable. Et puis en cas de crise, justement, si l’OTAN avait besoin donc du Canada, et bien il y a moins de 60 % des troupes qui seraient prêtes à être déployées dans le cadre de ce genre de mission-là. Et puis, il y a le fameux 2 %, vous savez, 2 % du PIB que les pays de l’OTAN doivent investir dans leur défense donc en matière de dépenses militaires. Pour que le Canada atteigne ce 2 %, il faudrait que simplement cette année il y ait 15 milliards de dollars qui soient investis. Or dans sa plus récente… ses plus récentes annonces en termes d’investissements militaires, le Canada parle de 8 milliards, mais sur cinq ans. Alors on pourra éventuellement atteindre le, peut-être, le 1,76 % du PIB en matière de dépenses militaires, mais pas avant 2030. Donc le Canada, ce chapitre-là, va rester un mauvais élève. La bonne nouvelle, bah c’est que les dépenses à tout le moinsaugmentent. Ça, c’est peut-être encourageant et ça, c’est peut-être un effet justement du conflit en Ukraine soudainement il y a deux ans, le Canada s’est rendu compte que… la population s’est rappelé que le Canada avait cette frontière dans l’Arctique avec la Russie, que c’était un endroit qu’il fallait protéger, que le réchauffement climatique fait en sorte qu’onpeut y naviguer pratiquement douze mois par année maintenant alors qu’il y avait réellement un besoin d’investir et de protéger cette frontière-là. Alors c’est peut-être la portion encourageante, je vous dirais, de ma réponse, mais lorsqu’on regarde les chiffres, il y a vraiment pas de quoi, là… il y a vraiment pas de quoi être réconforté par la position de l’armée canadienne.
    Dominique Laresche, journaliste TV5MONDE
    Peer de Jong, c’est un enjeu stratégique, l’Arctique. On sait que c’est un continent qui est très important pour la Norvège, la Finlande, la Russie, les États-Unis et le Canada. On peut dire quec’est une zone sous haute tension ou qui peut devenir… pour l’instant basse intensité, mais qui peut devenir plus haute intensité très rapidement ?
    Peer de Jong, ancien colonel et vice-président de l’Institut Thémiis
    Alors encore une fois, c’est une région qui était inaccessible jusqu’à il n’y a pas longtemps et maintenant qui devient accessible. Alors évidemment tous les pays riverains considèrent que ben il y aura des revendications de souveraineté. Alors on va tracer des lignes, on va remettre des panneaux, etc. Donc on va tracer et la souveraineté va s’appliquer. Donc ça, c’est vraiment confrontationnel10 parce qu’on voit bien qu’aujourd’hui les Russes sont plutôt sur un mode extrêmement offensif. Et là, le problème, c’est que répondre, avec quoi répondre ? Le problème, c’est que les armées européennes et les armées de l’OTAN de façon générale, le Canada particulièrement, ben depuis 1991 elles11 se sont laissé aller. Les armées européennes ont diminué leurs effectifs, diminué leurs budgets et donc elles12 se sont laissé aller. On s’est reposés sur un modèle américain qui était protecteur quelque part et aujourd’hui il est plus protecteur, puisque Trump13 l’a clairement dit, qu’aujourd’hui, la… comment dire… le rôle de l’OTAN futur dans une guerre n’est pas garanti. Donc il faut réfléchir différemment. Donc le Canada, comme l’ensemble des pays européens, réfléchit à un modèle d’armée qui soit plus efficient, plus effectif, qui coûte probablement assez cher. Donc il y a un effort à faire. Ça, c’est compliqué parce que les armées, ça coûte extrêmement cher. Donc si vous voulez, c’est une assurance qu’on prend dans le long terme et après elle devient rentable. S’il faut décider en un an ou deux, pour faire une armée moderne, c’est quasiment impensable.
    Dominique Laresche, journaliste TV5MONDE
    Et vous l’avez dit, il y a le mot « effectif » dans l’armée. Certains pays pensent à relancer la conscription14. C’est une option envisageable, par exemple dans un pays comme la France ou ailleurs ?
    Peer de Jong, ancien colonel et vice-président de l’Institut Thémiis
    Alors, tous les pays… Enfin, il faut les effectifs très concrètement. Voyez en France actuellement, on est une armée à 225 000 hommes. Il faudrait 100 000 hommes de plus, mais pas nécessairement tous les jours. Donc on voit qu’il faut trouver un modèle alternatif. Et donc un modèle alternatif serait éventuellement de créer une forme de conscription. Moi, j’appelle ça « garde nationale » ou j’appelle ça, euh… voyez les Estoniens appellent ça une « ligue des citoyens ». Il faut inventer quelque chose dans quoi15 vous avez des effectifs et dans quoi16 vous pouvez piocher pour éventuellement les récupérer. 
     
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    1 Cette phrase a été corrigée par rapport à ce que l’on entend dans l’entretien : « on sait* le rôle... ».

    2 Cette phrase a été corrigée par rapport à ce que l’on entend dans l’entretien : « c’est d’être prêt* ».

    3 Il s’agit de la Force de maintien de la paix de l’Organisation des Nations unies, appelée Casques bleus en référence à la couleur bleue de leur casque. Cette force militaire a pour rôle le maintien ou le rétablissement de la paix et de la sécurité internationale. Elle ne constitue pas une armée des Nations unies, les Casques bleus étant principalement des militaires prêtés par des pays membres de l’ONU et dans certains cas des civils œuvrant dans la police ou l’administration. (Source : Wikipédia.)

    4 En 2015 et en 2021, des affaires d’inconduite et d’agression sexuelle au sein des forces canadiennes ont été révélées, accablant le chef d’état-major de l’armée canadienne, Jonathan Vance, aujourd’hui à la retraite, ainsi que le commandant des forces spéciales canadiennes, Peter Dawe, qui aurait recommandé un soldat reconnu coupable d’agression sexuelle. (Source : https://information.tv5monde.com/terriennes/larmee-canadienne-nouveau-secouee-par-des-scandales-dinconduite-sexuelle-35960).

    5 L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est l’organisation politico-militaire mise en place par les pays signataires du traité de l’Atlantique Nord afin de pouvoir remplir leurs obligations de sécurité et de défense collective. (Source : Wikipédia.)

    6Cette phrase a été corrigée par rapport à ce que l’on entend dans l’entretien : « être en capacité de* défendre, de* protéger... ».

    7 Conjonction ayant le sens de « néanmoins, en tout cas, pourtant ».

    8 Cette phrase a été corrigée par rapport à ce qu’on entend dans l’entretien : « fait en sorte que* on ».

    9 Cette phrase a été corrigée par rapport à ce que l’on entend dans l’entretien : « On peut dire* c’est une zone... ».

    10 Peer de Jong a librement fabriqué cet adjectif à partir du substantif « confrontation ».

    11 Cette phrase a été corrigée par rapport à ce que l’on entend dans l’entretien : « depuis 1991 ils* se sont laissé aller ».

    12 Cette phrase a été corrigée par rapport à ce que l’on entend dans l’entretien : « et donc ils* se sont laissé aller ».

    13 Donald Trump, ancien président des États-Unis et candidat à la même élection en 2024, a affirmé le 11 février 2024 qu’en cas de réélection, les États-Unis ne viendraient pas au secours si une agression devait avoir lieu contre un pays membre de l’OTAN. (Source : https://www.publicsenat.fr/actualites/international/menace-de-trump-sur-lotan-si-les-russes-veulent-etre-menacants-pour-leurope-ce-nest-pas-pour-aujourdhui-cest-dans-5-ou-6-ans).

    14 Nom donné à l’inscription des jeunes gens au service militaire. (Source : dictionnaire Le Robert.)

    15 Cette phrase a été corrigée par rapport à ce que l’on entend dans l’entretien : « dans lequel* ».

    16 Cette phrase a été corrigée par rapport à ce que l’on entend dans l’entretien : « dans lequel* ».