Voix off Beurrer épais : nous sommes au Québec où on peut constater que comme dans toutes les régions de la francophonie où on produit du beurre, la langue a tissé des liens étroits avec cette denrée. On va donc « beurrer épais » et ne pas hésiter à en rajouter ! Au Québec, on peut « prendre le beurre à poignées » c’est-à-dire se précipiter avec avidité, on peut « virer dans le beurre », soit tourner à vide, ou pour les amateurs, pédaler dans la choucroute. On peut aussi « passer dans le beurre » donc rater sa cible. Ou encore « beurrer » et « se beurrer » pour se salir, enduire d’une substance quelconque, tromper, obtenir un gain frauduleusement… Bref, il faut croire qu’on aime en faire des tartines – ou, comme on dit par-là des « beurrées » ! Quand on beurre épais, on en rajoute une couche au point d’en faire tout un fromage ! Donc on exagère à fond, pour se faire mousser ou tout simplement pour le plaisir d’en faire des tonnes et impressionner les autres. Mais alors, pourquoi le beurre ? Parce que c’est une matière idéale pour évoquer tout un univers symbolique. L’image qui est convoquée dans la locution beurrer épais : est celle d’une matière riche, épaisse et fondante qui nous rappelle tantôt l’opulence, l’abondance et le plaisir - notamment depuis les XVe et XVIe siècles où il gagne en noblesse après avoir longtemps été le « gras du pauvre » – tantôt l’excès. En langue française, le beurre a une valeur et est une valeur. Il représente même ce supplément qui vient s’ajouter au prix du quotidien et parfois l’adoucir. C’est ainsi qu’en France, quand on fait son beurre, on gagne sa vie, et quand on met du beurre dans les épinards, on ajoute une noisette de plaisir. Et en Wallonie, on dit même qu'on a le cul dans le beurre quand on vient d’une famille ou d’un milieu où il y a suffisamment d’argent pour que ce ne soit jamais un souci !