Amnesty international mène l’enquête

Disponible jusqu'au 15/09/2027 - 23:59Disponible jusqu'au 15/09/2027

Comment Amnesty international procède-t-elle pour enquêter, rassembler des preuves ?

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    Le 9 avril 2022, sur le plateau d’Internationales, Françoise Joly (TV5MONDE) et Benjamin Barthe (Le Monde) interrogent Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty international à propos de la destruction de la gare de Kramatorsk, en Ukraine. Comment Amnesty enquête-t-elle dans le monde ? Peut-elle remonter les chaînes de commandement et établir la responsabilité directe des hauts responsables de gouvernement ?

    Chaîne d'origine
    TV5MONDE
    - Modifié le
    13/10/2023
    Benjamin Barthe, journaliste auprès du quotidien Le Monde
    Oui, voilà. Alors sur un cas comme ça, par exemple, comment concrètement vos équipes travaillent-elles ? Quel type d’indices vous pouvez commencer à rassembler en prévision de dossiers qui seraient portés plus tard à la connaissance d’une juridiction internationale, éventuellement ?
    Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty international
    Donc pour une attaque comme celle-ci, on a un laboratoire en Allemagne qui travaille sur toutes les preuves que l’on peut accumuler de façon lointaine et visuelle, je dirais. Donc on va collecter, on va trouver toutes les informations que l’on peut obtenir sur la gare avant son attaque, après son attaque afin de voir qui était présent à ce moment-là. Et là, à l’époque l’on vit, il y a énormément d’informations audiovisuelles, donc on peut y accéder. Bien sûr, il faut absolument s’assurer que ce soit tout à fait véridique parce qu’il y a beaucoup de fake news, donc, mais là, c’est le travail du laboratoire donc d’essayer de voir qui était présent, s’il y avait des militaires, s’il y avait des convois militaires à côté. Ensuite de voir quel était le…, après l’attaque, le type d’armes qui ont été utilisées, donc ça de nouveau on peut de nouveau avoir des preuves visuelles, mais une fois que nos équipes peuvent aller sur place alors là, on peut collecter, je dirais, les preuves matérielles, prendre des photos, être présent, voir le type d’armes qui a été utilisé, d’obus qui a été utilisé, donc là, la présence sur place permet d’accumuler beaucoup plus d’informations importantes.
    Françoise Joly, journaliste à TV5MONDE et présentatrice
    Vous avez des équipes sur place notamment. Et alors…
    Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty international
    On a des équipes dans plusieurs endroits de l’Ukraine à l’heure actuelle.
    Françoise Joly, journaliste à TV5MONDE et présentatrice
    De l’Ukraine. Et alors cet acte de guerre-là, ce missile sur cette gare, c’est un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, comme l’a qualifié le ministre des Affaires étrangères français ?
    Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty international
    Écoutez, nous, a priori, c’est un crime de guerre, ça ne…
    Françoise Joly, journaliste à TV5MONDE et présentatrice
    fait aucun doute.
    Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty international
    Je pense que les doutes sont probablement tous levés, pour ensuite démontrer « crimes contre l’humanité », il va falloir, en tout cas nous à Amnesty, on va prendre un peu plus de temps et de précaution, parce que là, il faut qu’on ait beaucoup plus d’éléments sur l’aspect délibéré, il faut qu’il s’agisse bien d’une politique plutôt que d’actes isolés. Je pense qu’on s’oriente de plus en plus dans cette direction particulièrement parce que nous avons aussi les exemples de la Syrie, les exemples de Grozny. Il devient de plus en plus difficile pour la Russie ou même pour les leaders russes de suggérer qu’il s’agit d’actes isolés ou de fake news, ça devient très difficile. Je pense que l’aspect important par rapport à ce qui se passe maintenant, et je présume que c’est aussi soit ça sur lequel la cour pénale internationale travaille, c’est de s’orienter maintenant sur les responsabilités hiérarchiques parce qu’au niveau…
    Françoise Joly, journaliste à TV5MONDE et présentatrice
    la chaîne de commandement.
    Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty international
    la chaîne de commandement. Au niveau des soldats, bon on va peut-être identifier ceux qui ont tiré, mais le plus important à l’heure actuelle, c’est vraiment de travailler sur la chaîne de commandement et d’arriver à peut-être prouver la responsabilité directe des plus hauts, des plus hauts responsables du gouvernement. Responsabilité indirecte, ça je pense qu’on va pouvoir la démontrer, responsabilité directe, c’est-à-dire qu’ils donnent l’ordre délibéré d’attaquer les civils, ça, ce sera beaucoup plus difficile.
    Françoise Joly, journaliste à TV5MONDE et présentatrice
    Vous pensez à Vladimir Poutine ?
    Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty international
    Entre autres, voilà. Entre autres.
    Françoise Joly, journaliste à TV5MONDE et présentatrice
    Et, et la Russie dément toujours ce genre de bombardements, elle l’a fait encore à propos de cette gare. Elle a annoncé hier la fermeture de vos bureaux à Moscou…
    Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty international
    En effet.
    Françoise Joly, journaliste à TV5MONDE et présentatrice
    et ceux d’autres ONG présentes en Russie. Qu’est-ce que ça va changer par rapport à votre…, le travail que vous pouviez faire ?
    Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty international
    Rien. Ça va rien changer, nous on va continuer de faire notre travail.
    Françoise Joly, journaliste à TV5MONDE et présentatrice
    Oui, vous l’avez dit quand vous l’avez appris, vous avez dit : « Nous, on pourra continuer. »
    Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty international
    Bien sûr.
    Françoise Joly, journaliste à TV5MONDE et présentatrice
    Et ça va rien changer ?
    Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty international
    Pour nous, ça ne va pas changer, ni l’investissement qu’on va mettre sur la Russie, ni le travail qu’on va fournir, ça ne va pas changer notre capacité, ça va prendre, on va prendre plus de temps pour trouver les preuves peut-être de violations, mais on va le faire, on va le faire. Ça prendra plus de ressources, mais on va le faire, donc au niveau de l’impact sur notre capacité de répondre aux violations qui ont lieu en Russie, ça n’aura pas d’impact, ça je peux vous le promettre et je peux le promettre à monsieur Poutine et je pense que ce sont des actes désespérés que ce gouvernement est en train de commettre par rapport aux organisations internationales qui étaient présentes et au travail que nous fournissons mais on va continuer de dénoncer, d’enquêter et de mettre en avant toutes les preuves que l’on aura.
    Benjamin Barthe, journaliste auprès du quotidien le Monde
    On a vu circuler sur les réseaux sociaux des vidéos qui font état de mauvais traitements infligés par l’armée ukrainienne à des prisonniers russes, des blessures…
    Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty international
    Bien sûr, même…
    Benjamin Barthe, journaliste auprès du quotidien le Monde
    des cas d’exécution.
    Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty international
    Absolument.
    Benjamin Barthe, journaliste auprès du quotidien le Monde
    Est-ce que vous avez commencé à enquêter également sur les exactions commises par l’armée ukrainienne ?
    Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty international
    Absolument, ça fait tout à fait partie de notre travail ; d’ailleurs nous sommes en train d’enquêter sur certains des cas qui ont été mis en avant.
    Françoise Joly, journaliste à TV5MONDE et présentatrice
    Il y a des vidéos qui ont circulé…
    Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty international
    Oui, des vidéos, donc comme je vous l’ai dit, toutes les vidéos que l’on reçoit doivent faire l’objet d’un traitement assez poussé pour s’assurer qu’elles soient… qu’elles soient véridiques, donc oui, nos conclusions devraient sortir lundi, je pense, lundi ou mardi, donc. Il est absolument crucial de maintenir notre impartialité en tant qu’organisation des droits humains, ça ne veut pas dire qu’on ne reconnaît pas bien sûr les différences entre les exactions commises par la Russie et celles commises par l’Ukraine au niveau de l’intensité, au niveau du nombre de victimes, mais il est absolument crucial, non seulement que nous, mais que l’ensemble de la communauté internationale soit prête à pointer du doigt ces violations. Pourquoi ? D’abord, parce que c’est une violation du droit international donc et des obligations de l’Ukraine mais c’est aussi pour le futur, pour l’Ukraine que l’on veut reconstruire, pour l’Ukraine, la démocratie, la protection des droits, etc. On ne construit pas une Ukraine comme ça si… s’il n’y a que le silence et l’impunité qui sont la base, la base de cette reconstruction, donc. C’est important, plus très important pour les Ukrainiens qu’ils dénoncent eux aussi ces violations. 

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