Voix off
Taiba a quatorze ans, Laila, seize ans.
Taiba, élève d’une école clandestine à Kaboul
C’est un bon endroit, ici. Je remercie ces gens de nous donner une chance de continuer à étudier. Je veux devenir quelqu’un, car les femmes sont la moitié de la société.
Laila, élève d’une école clandestine à Kaboul
Je n’ai aucun espoir pour l’avenir. J’espère juste qu’il y aura la paix partout en Afghanistan, que toutes les filles pourront étudier.
Voix off
Avant de s’improviser professeure, Chaima étudiait les sciences politiques. Depuis août 2021, l’arrivée des talibans[1], elle a dû interrompre ses études. Enseigner est devenu sa raison de vivre.
Chaima, enseignante
Si je reste à la maison, désespérée, qui va venir les aider ? Je n’arrêterai pas, je me bats même si les talibans nous en empêchent. Bien sûr que je risque ma vie en venant ici, mais je le fais pour elles. Je m’en fiche de prendre des risques, je donnerais ma vie pour ces filles.
Voix off
Cette école est aussi un refuge pour des orphelines.
La professeure de couture
Travaillez en silence, les filles.
Voix off
Elles doivent apprendre un métier au plus vite pour échapper à la pauvreté. Soubeira a douze ans, ses parents sont morts lors d’affrontements avec les talibans.
Soubeira, élève du cours de couture
Je veux être indépendante, je suis grande. Les talibans ne nous laissent pas faire ce métier. Ils disent que les femmes n’ont aucun droit en Afghanistan. Ils pensent comme ça, mais moi je pense que nous avons autant de droits que les hommes. Mais eux, ils disent que non. Ce n’est pas dit dans la religion que les femmes doivent cacher leur visage. Mais ils disent que nous devons nous cacher, nous masquer. Même les petites filles portent la burqa.
Voix off
Parmi toutes ces écolières, Sadia, quatorze ans, se tient à l’écart. Elle est victime d’une coutume archaïque, promise en mariage à un taliban d’une soixantaine d’années. Elle nous raconte discrètement son histoire. Ses camarades l’ignorent pour la plupart.
Sadia, jeune fille promise en mariage
Mon père me dit que je dois me marier. J’ai dit qu’il pouvait tout me faire, me faire souffrir, mais pas ça. À l’arrivée des talibans, mon oncle m’a dit que si je ne me mariais pas, il me tuerait. J’ai très peur de lui.
Voix off
Et tes parents qu’est-ce qu’ils t’ont dit ?
Sadia, jeune fille promise en mariage
Mes parents aussi m’ont dit qu’ils me tueraient si je ne me mariais pas. Je n’ai aucun espoir. Je suis fatiguée, épuisée. Parfois, je reste à la maison et je pleure toute la journée. Je pleure tous les jours. Mes journées passent en pleurant.
Voix off
Et les parents de ton futur mari, ils te laissent venir ici ?
Sadia, jeune fille promise en mariage
Les parents de mon fiancé m’ont dit que je ne devais plus aller à l’école, que je devais rester à la maison. J’ai dit qu’ils ne comprenaient rien. Ils ne sont même pas capables de lire le Coran. Ma mère est malade en ce moment, mais dès qu’elle sera guérie, ils feront le mariage.
Voix off
Et toi, qu’est-ce que tu espères ?
Sadia, jeune fille promise en mariage
Moi, je voudrais devenir pilote.
[1] Les talibans sont des fondamentalistes islamistes qui ont pris le pouvoir en Afghanistan de 1996 à 2001 et ont instauré un régime islamiste marqué par des restrictions fortes et l’exclusion des femmes de la vie publique. Mais après les attentats du 11 septembre 2001 à New York, les talibans sont renversés par l’intervention de l’OTAN, contre laquelle ils engagent alors une guérilla. En 2004, le pays connaît des avancées sociales, la nouvelle Constitution reconnaissant aux hommes et aux femmes les mêmes droits. Après 20 ans de présence militaire de l’OTAN, un accord entre les États-Unis et les talibans est finalement signé le 29 février 2020. Tandis que les forces alliées de la coalition se retirent du pays, les talibans reprennent progressivement le contrôle de l’Afghanistan. Depuis leur entrée dans la capitale, Kaboul, le 15 août 2021, ils contrôlent l’intégralité du pays. Cette prise du pouvoir s’est accompagnée d’un retour à une interprétation ultra-rigoriste de l’islam, excluant progressivement les femmes de l’école et de l’espace public.