Comment choisir des extraits vidéo et les didactiser ?

Publié le
28/11/2022
- Modifié le
05/10/2022
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Unité de sens, nombre de locuteurs, débit de parole… Quels sont les critères qui orientent la sélection d’un extrait dans un documentaire, un magazine d’actualité, un long métrage ? Comment exploiter cet extrait vidéo en classe de FLE ?

La compréhension orale pour un locuteur natif

Pour un locuteur natif, la compréhension orale est facile. En langue maternelle, le débit est de 160 à 180 mots par minute et peut aller jusqu'à 250 mots par minute. Au-delà de 275 mots par minute, la compréhension orale devient difficile1. Néanmoins, de nombreux autres facteurs jouent sur la réception d’un discours oral, que l’on soit ou non locuteur natif (degré d’attention, intérêt pour le propos, connaissances du sujet, etc.).

Blablabla !
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Voici quelques repères de vitesse :

  • pendant une conférence, le nombre est de 140 mots/minute ;
  • dans une conversation : 210 mots/minutes ;
  • à la radio ou dans un podcast : entre 160 et 190/minute en moyenne. Mais selon le public cible et les émissions, on note des pointes à 300 mots (commentaire sportif, émissions pour un jeune public) ;
  • à la télévision entre 200 et 230/minutes. Un débit plus lent (85 à 100 mots) est utilisé dans des occasions solennelles (allocution du Président par exemple). En revanche, un débit plus rapide est noté dans les vidéos de certains YouTubeurs par exemple.

La compréhension orale pour un locuteur non natif

En langue étrangère... c'est plus compliqué ! La compréhension orale est perçue comme difficile.

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Comprendre une émission télévisuelle
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Quand on fait cours avec un document audiovisuel, on peut tenter de choisir des documents avec un nombre de mots par minute assez réduit. Mais d’autres éléments peuvent être pris en compte pour amener progressivement les apprenant·e·s à atteindre les chiffres de la langue maternelle. Ainsi, les activités d’apprentissage – qui déterminent grandement le niveau – s’appuieront notamment sur :

  • la ponctuation à l’oral : le non-verbal (l’intonation, l’insistance sur certains mots, les gestes, les attitudes corporelles…), les articulateurs.
  • certaines incrustations et informations textuelles à l’écran (quand elles reprennent ou complètent des informations données oralement, dans des infographies ou des reportages par exemple). 

Quels sont les critères pour sélectionner un bon extrait vidéo ?

Un bon extrait vidéo, c'est2 :

  • une unité de sens (avec un début et une fin) ;
  • un extrait court : en A1 et A2, d'une 1 à 2 minutes ; en B1 et B2, pas plus de 3 à 4 minutes. Au-delà, la compréhension devient plus difficile car il y a plus d’informations à traiter. N'oubliez pas que la mémoire de travail en langue étrangère est plus courte. Un document plus long est toutefois possible si les locuteurs s’expriment lentement et avec des pauses ;
  • un nombre de locuteurs limité : 2 est l’idéal pour les niveaux A1 et A2, mais on peut en avoir 3 (par exemple, une voix off et 2 personnes). Pour les niveaux B1 et B2, il peut y avoir un nombre supérieur à 3, mais au-delà de 5, cela devient compliqué ;
  • une situation, des personnes, des objets clairement définis. La compréhension est plus difficile quand on ne comprend pas la situation ou quand l’identification des personnes (commerçant·e, passant·e, étudiant·e, etc.) est floue. Elle est en revanche plus facile si les relations spatiales sont simples (une rue, une ville, un endroit unique ou deux ou trois endroits identifiables facilement) ;
  • un document structuré (ordre chronologique, parties bien distinctes, interlocuteurs bien identifiés, liens logiques entre les énoncés) ;
  • un débit de paroles possiblement adapté au niveau des apprenant·e·s (un débit plus lent pour des débutants par exemple). N’oubliez pas que c’est bien l’activité qui porte le niveau et non le document ;
  • un sujet et une partie du vocabulaire déjà connus des apprenant·e·s, ce qui leur permet de relier les informations nouvelles à leurs connaissances antérieures ;
  • des images qui comportent des éléments écrits ou visuels, permettant d'illustrer les paroles (canal sonore et visuel redondants).
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multilinguisme et diplomatie - visuel
Exemple d'infographie « 7 jours sur la planète »

On peut choisir un extrait qui corresponde à des objectifs pré-déterminés (découverte culturelle, apprentissage du vocabulaire en situation, éducation aux médias et à l’information, etc.). À l’inverse, un extrait peut aussi être choisi tout d’abord parce qu’il est intéressant et cohérent, ou étonnant, drôle, impressionnant, touchant… puis on élabore un scénario pédagogique et on crée des activités en fonction du contenu. Pour en savoir plus à ce sujet, nous vous conseillons la lecture de notre article sur la démarche « Apprendre et enseigner ».

Proposer des activités qui facilitent la compréhension orale

Susciter la formulation d’hypothèses pour anticiper le sens

Pour faciliter la compréhension, un travail de pré-écoute est nécessaire aux niveaux A1, A2 et B1. À partir de B2, la pré-écoute peut être supprimée pour mettre les apprenant·e·s dans la situation à laquelle ils seront confrontés hors de la classe, la situation réelle : on doit comprendre sans avoir des informations préalables. Les apprenant·e·s peuvent :

  • imaginer une situation à partir de bruits ou bruitages, de la musique, du nombre de locuteurs entendus. Dans ce cas, l’enseignant·e passe l’extrait avec le son mais sans les images ;
  • anticiper une situation à partir d’informations simples et de questions fournies par l’enseignant·e. Par exemple : « Cela se passe dans un train, un homme et une femme parlent ». Quelles peuvent être les relations entre les personnes ? De quoi vont-elles parler ? Quels mots va-t-on entendre ? Etc.

Faire identifier des informations à partir du canal visuel

Regarder à la loupe
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De nombreuses activités sont possibles à partir d’un visionnage sans le son. Par exemple, les apprenant·e·s peuvent :

  • compter les personnes, les objets, les lieux,
  • lister – pas nécessairement par ordre d’apparition - ce qu’ils ont vu (personnes, lieux, objets et/ou actions, etc.). Dans un deuxième temps et après un deuxième visionnage sans le son, classer par ordre d’apparition les éléments notés,
  • raconter ce qu’ils ont vu après deux ou trois passages,
  • formuler des hypothèses sur la situation, les dialogues,
  • repérer dans une liste de verbes à l’infinitif (verbes d’actions) - préalablement élaborée par l’enseignant·e - ceux qui sont effectivement dans la vidéo,
  • remettre dans l’ordre des cartons qui décrivent les différentes scènes constituant le document. Ces cartons sont préparés par l’enseignant·e avant le cours.

Faciliter le repérage des informations du canal sonore

Les apprenant·e·s peuvent :

  • ranger dans l’ordre d’apparition une liste de mots que l’enseignant·e aura distribuée ou notée au tableau ;
  • compléter des phrases préparées par l’enseignant·e : l’enseignant·e donne le début et la fin de phrases extraites de la vidéo, ou qui résument la vidéo. Il est plus facile de retenir la fin des phrases plutôt que le début ou le milieu. Il faut donc insister sur le début et le milieu de la phrase (mais, pédagogiquement, il est plus simple d’habituer les apprenant·e·s à se concentrer sur le milieu) ;
  • faire individuellement une liste des 5 mots-clés qui résument l’extrait présenté. Puis, à deux, comparer leur liste et refaire une liste commune de 10 mots-clés à partir desquels ils rédigent un résumé de l’extrait.

Faciliter la reformulation des informations

Les apprenant·e·s peuvent :

  • établir une liste de ce qui est vu et entendu et, à partir de cette liste, reconstruire le message de la vidéo. La liste a l’avantage d’être plus proche de l’oral dans la mise en forme et plus simple à composer, cf. la bande-annonce du film de JL Godard, qui raconte le film avec une liste de mots :
  • reformuler ce qu’ils ont compris. L’expérience montre qu’on comprend le sens et qu’on reformule avec d’autres mots, plus simples. On ne doit donc pas s’attendre à ce les apprenant·e·s restituent exactement les mots utilisés dans la vidéo dès le premier passage. Au deuxième ou troisième passage, avec des pauses, ils seront en mesure de reprendre les termes utilisés dans le document.

Proposer des activités pour favoriser la production et l’interaction orales

Le document vidéo peut être source de créativité et faciliter la prise de parole. En donnant un avis sur le sujet ou le document vu, l’apprenant·e est amené à réutiliser du vocabulaire rencontré dans l’extrait. Le document vidéo retrouve aussi sa fonction initiale : il informe, distrait ou éduque, bref il fait réagir...

Les apprenant·e·s peuvent :

  • donner leur opinion sur la vidéo qu’ils ont vu ; échanger à deux pour expliquer si l’extrait leur a plu ou déplu et dire pour quelles raisons ;
  • indiquer quelles informations étaient nouvelles pour eux et donner leur avis sur le sujet ;
  • rédiger (à deux) trois commentaires différents sur les mêmes images (un commentaire très positif, un très négatif et un neutre) puis les lire pour le reste du groupe sur les images. C’est la stratégie adoptée par Chris Marker dans Lettre de Sibérie ;
  • imaginer des dialogues différents de ceux qui ont été entendus. Il est possible de changer le sens (des personnes en désaccord dans l’extrait peuvent dans le dialogue être d’accord). Il est aussi possible d’imaginer totalement autre comme dans les extraits de films détournés.

Crédits

1D’après Claudette Cornaire (La compréhension orale, CLE International, 1998).

2 D'après Brown (Teaching by Principles: An Interactive Approach to Language Pedagogy. Regents/Prentice Hall, 1994).

Article rédigé à partir d’une fiche pédagogique « À adapter » de Christian Rodier (CAVILAM-Alliance française, Vichy, décembre 2011).